Le voyage en quatre ailes
Quelquefois, comme cela, on a l'impression que les jours peuvent inverser leur cours, battre un instant de l'aile, et reprendre insouciants le chemin vers la source.
Ainsi, hier, cette voiture ancienne désormais, autrefois si banale, garée devant la belle boutique désuète du marchand de chapeaux... m'a transportée... loin en arrière, très loin, il y a trente ou quarante ans, au temps où mes jeunes parents s'en allaient en quatre ailes vers l'avenir radieux.
Où les dames bien mises se faisaient faire pour les mariages des capelines sur mesure, où les messieurs corrects portaient chapeau de feutre en hiver, chapeau de paille en été.
Où l'on mettait des gants pour être chic et smart. Et des blue jeans pour se rendre le soir en mob dans les boums.
Où la blonde Marilyn du village gaulois portait le nom tout froufroutant de Falbala - et cela faisait sourire car on savait encore ce que le mot voulait dire.
Où l'on s'enfermait pour téléphoner dans des cabines téléphoniques à pièces qu'on appelait taxiphones, tandis que le 22 à Asnières faisait rire toute la France.
Où l'on jouait aux Mille-Bornes en chantonnant le ciel le soleil et la mer.
Où je pensais qu'il y aurait toujours des voitures à quatre ailes, pour s'envoler joyeuses sur les routes gravillonnées de rose et de bleu tendre, bordées de vieux platanes, qui menaient à demain.
Donc, c'était hier à Nantes, par un après-midi aussi clair qu' un matin d'enfance. Et c'était délicieux. Un petit bout de chemin vintage, gracieux comme le vol de ce petit papillon jaune, autrefois égaré sur la vitre arrière de la jeune quatre ailes, et qui était doucement venu se poser sur mes yeux.
Alors avec mon APN, immédiatement dégainé, j'ai capturé ce cliché qui s'est aussitôt affiché - millions de pixels - sur mon écran numérique. Il ne me restait plus qu'à l'éditer sur photoshop et à le poster sur le web.
Ainsi va notre esprit, qui ne cesse de balancer, inconstant papillon aux quatre ailes incertaines, d'avant en arrière, d'arrière en avant, dans le temps qui ne sait où il va.