Une virgule
Jardin des Plantes de Nantes - 3 juin 2014
On venait de planter au Jardin quelques panneaux papillonnants.
Je me suis approchée, butineuse, curieuse de savoir ce qui fleurissait là... C'étaient de courtes notices, aériennes et savantes, sur les papillons du département. Sur les vivants, et sur les morts aussi, ceux qui gisent oubliés dans les tiroirs funéraires de notre Muséum.
Je suis tombée en arrêt devant cette épitaphe au papillon Virgule, pris au filet, une dernière fois, "dans le dernier quart du XIXe siècle", et depuis introuvable. Probablement jeté, comme tant d'autres, à la grande décharge des espèces éteintes.
Papillon Virgule, je ne t'ai pas connu et pourtant tu me manques comme tu manques à tout ce qui t'ignore.
C'est si peu de chose, allez-vous dire, une virgule effacée dans cette longue phrase que nous écrit le monde, depuis tant de millénaires qu'il est monde. Une virgule raturée, cela ne se remarque vraiment plus, quand le livre a commencé à jaunir et à perdre ses pages. Une pauvre virgule gommée aux pesticides sur un vieux parchemin... allons ! il y a tellement, tellement plus grave !
Pourtant, qu'il manque une virgule, une simple virgule... C'était un poème, cette phrase, tout était si parfait, tout si bien à sa place... Qu'il y manque une virgule, une simple virgule qui dansait au soleil dans son coin de prairie, il semble que tous les mots s'en trouveront boiteux.