Tous des géants
ON EST TOUS DES GEANTS
Quelqu'un avait inscrit cela, rageur, après le départ en flonflons de nos géants royaux. Ici, justement ici, dans l'un des lieux les plus sinistres de la ville, sur la margelle aux marginaux, au-dessus de ce puits de chemin de fer qui traverse, recouvert d'une grille jonchée de canettes suicidées, la place de la Petite-Hollande.
Tous des géants ? Non. Il y a surtout des nains en ce monde où règnent les géants. Tellement de nains. Mais des nains qui habitent en géants leurs vies de nains.
Car le caillou devient montagne pour celui qui doit le pousser
et toute paille est un radeau pour celui qui va se noyer.
Car toute erreur est un abîme pour celui qui marche tout seul
et la misère souffle en tempête pour celui qui n'a que sa peau.
Car la cabane est un palais pour celui qui n'a pas les clés
Et chaque rêve est escalier pour celui qu'on a abaissé.
Pour habiter une vie de nain il faut un courage de géant. Aussi n'y a-t-il que chez les nains qu'on puisse trouver de vrais géants.