J'étais cet après-midi en Brière, sur l'île Fédrun. Le vieux Briéron qui nous guidait sur l'eau, poussant le chaland sur sa perche selon la méthode ancestrale, nous a d'abord montré ces deux barques attachées tout près des siennes, au bout du long jardin étroit qui jouxtait son propre long jardin étroit.
— Les terrains sont longs et étroits... il fallait que toutes les maisons aient un accès à l'eau, et deux embarcadères... Parce que le Briéron vit du marais.
C'était la loi de l'île. Un accès pour tous, et deux barques par famille. Pour que tous puissent vivre. Puisque tous doivent vivre. On avait découpé l'île en autant de minces lanières bordées d'eau qu'il y avait de familles à nourrir. Et les vies se pressaient côte à côte, jardin contre jardin, embarcadère contre embarcadère, minces et fortes.
Il trouvait cela tout naturel, le vieil homme. Et très important. Le marais appartient à tous. La première chose à expliquer aux visiteurs arrivés sur cette île de leur monde barbare.
Elles m'ont semblé incroyablement belles, soudain, ces deux barques de plastique grisâtre, devant moi.