La reine des abeilles
J'avais plusieurs fois photographié ce beau médaillon, rue de la Fosse, sans y prêter toute l'attention qu'il méritait.
Or, par hasard, tout à l'heure, en feuilletant un vieux numéro des "Annales de Nantes et du pays nantais", je suis tombée sur cet article, signé Claude Kahn :
Je venais de découvrir qui était la reine des abeilles. Et qu'elle régnait précisément sur la ruche où naquit Jules-Elie Delaunay, dont j'ai toujours admiré la sombre "Peste à Rome", superbe apocalypse d'épidémie tragique, mâtinée d'un je ne sais quoi de Saint-Barthélémy...
Jules-Elie Delaunay, "La Peste à Rome", Musée d'Orsay
Ainsi, tout s'expliquait.
C'était le dard délicat des abeilles qui avait inspiré au peintre le bras mince et aigu de son ange meurtrier.
C'était la cire des ruchers blonds qui lui avait appris le modelé des corps et l'empâtement des ombres.
C'était la reine des abeilles qui avait placé dans ses mains la couronne d'abondance.
C'était du labeur des insectes utiles qu'il avait fait son miel d'artiste.
Et c'était en butinant, gourmande, dans les rues et les livres que j'avais recueilli la délectable histoire de la reine des abeilles - petite fable aux ailes repliées sur la pierre d'un vieux mur, qui avait bourdonné jusqu'à moi.
Rien de bien remarquable, rien de très mémorable, allez-vous dire, dans ce nectar musard, tout juste la matière d'une mince tartine de mots, de miel et de peinture.
Cependant je voudrais que ma vie toute entière soit à l'enseigne du cirier Delaunay :
petite abeille laborieuse, promeneuse, active et nonchalante, faisant son miel de ce qui vient à elle, et façonnant la cire que d'autres pétriront.