La mer veille

J'ai tout de suite aimé cette enseigne naïve et colorée où le soleil et l'ombre se penchaient côte à côte, pour éclairer ensemble le jeu profond des mots.
Car rien n'est plus vrai.
La mer veille.
Sur le vieux coelacanthe et la jeune dorade
Sur la baleine en pleurs et sur le thon qui saigne
Sur l'oiseau qui se couche aux plages de mazout
Sur ce que nous tuons ce que nous méprisons.
La mer veille
Sur l'esclave épuisé le clandestin noyé
Sur les trésors enfouis aux grands champs d'ossements
Sur le fantôme errant des mondes à conquérir
Sur notre convoitise et sur nos coeurs arides
La mer veille
Sur les îles qui penchent et les volcans qui tremblent
Sur le marin qui lutte avec le vent là-bas
Sur les désespérés qui l'attendent au rivage
Sur nos cris nos appels sur nos âmes brisées
La mer veille
Sur la lune qui tourne au bras des marées lentes
Sur l'étoffe des nuits et sur le pli des aubes,
Sur le grain de l'étoile et sur la fleur du sable
Sur le sillon qui va et qui revient sans trêve
La mer veille
Sur toutes les détresses sur toutes les merveilles
Dans l'instant de la vague et dans l'éternité
Patiente prudente presciente savante
La mer veille
- Et nous ?