Elle flottait entre deux mondes, cette méduse. Transparente et molle comme l'eau, elle était un morceau d'océan, une incarnation pâle de l'infini, elle appartenait encore au troupeau fabuleux de ces créatures ondoyantes qui dansent, loin des regards humains, au ventre bleu des mers profondes... Poussée vers le sable gris, souillée par la lumière, tentée par l'échouage, elle était déjà la créature répugnante, urticante et puante, redoutée des baigneurs, qui allait pourrir sur la plage, laide et flasque, méprisée même des mouettes avides.
Je l'ai regardée un moment lutter, embrassée doucement par la houle, reculer, revenir, s'approcher lentement du rivage.
Elle est venue s'échouer enfin.
Il y a dans toute vie de ces moments d'hésitation. De ces lentes défaites. Rien de plus troublant, à chaque fois, que de se demander si le poids des regrets aurait pu infléchir la direction de la vague, ou si, au contraire, c'était le poids de la tentation qui conduisait la vague.