En passant
Je passais place Viarme, un jour de pluie comme un autre. J'ai vu soudain s'arrêter tout un groupe de cyclistes encapuchonnés. L'un d'eux montrait aux autres cette croix, expliquant quelque chose, à grands renforts de gestes passionnés. Quand ils sont repartis, je me suis approchée.
C'était en fait la croix fleurdelisée du fameux Charette, le capitaine des Vendéens. Ici, disait la plaque de fonte, ici a été fusillé pour Dieu et pour son roi le général vendéen Charette de la Contrie.
C'est étrange... je le savais bien, que Charette était mort sur la place Viarme, mais je n'avais jamais pensé à aller voir cette croix. Je ne me doutais pas, pas du tout...
J'avais lu quelque part que ce fameux Charette avait été fusillé devant une porte de bois. J'avais imaginé de vieux murs pittoresques plantés de lys et de vigne vierge, portant comme un blason leur porte antique percée de trous rouillés. Mais voilà que j'avais devant moi ce calvaire de granit disgracieux, entouré de ces ridicules petits menhirs de cimetière que vénèrent tous les chiens de trottoir. Et, en fait de porte de bois pittoresque et fossilisée par l'histoire, je pouvais admirer, en arrière-plan, la moderne façade d'une banque.
Il est loin, le temps des révolutions et des guerres de Vendée. Il est loin, ce dix-huitième siècle enchanteur et violent où tout se finissait par des chansons ou des exécutions. Aujourd'hui tout se finit, toujours, devant le guichet d'un banquier.