Dieu (et les hommes aussi)

Je n'ai pas été étonnée, car Dieu est partout, on le sait, et surtout là où on ne l'attend pas. Mais, en avançant, j'ai vu que je m'étais trompée : je n'étais que devant l'Hôtel Dieu - ce qui est déjà, après tout, très beau. Bien sûr, je l'avais toujours su, alors que je suivais en rêvant le mot Dieu. La ville est pleine de mots qu'un pas, un geste, un regard rapide extraient, déforment, reforment. La ville est pleine de mots qui passent et que l'on suit sans y penser vraiment. Et puis, un peu plus loin, alors que - je l'avoue à ma grande honte - je courais comme une enfant pour attraper mon tramway, je suis tombée sur un trottoir glissant de pluie, et je me suis si sauvagement ouvert le menton que je saignais comme une fontaine. Des passants charitables - qui n'ont pas hésité, eux, à manquer leur tramway - ont appelé les pompiers. Ils sont arrivés en moins de cinq minutes, et ils m'ont transportée aussitôt aux urgences. Il y avait là des jeunes gens surmenés qui allaient et venaient au milieu de brancards chargés de malades et d'agonisants. Pourtant quelqu'un a trouvé un peu de temps pour me recoudre, me soigner, me laver, et me réconforter. La ville est pleine de gens qui donnent du sens aux mots qui font la vie divine, ou peut-être tout simplement humaine.