Chevaux de bois
"Throw that junk", Orson Welles, Citizen Kane
Petit cheval de la brocante, petit cheval de bois, fatigué, presque chauve et la queue arrachée, tu avais l'air si courageux sur tes roulettes usées, tu avais l'air si obstiné parmi le bric-à-brac et les cartons sans gloire, près de la vieille malle aux partitions jaunies, tu avais tellement l'air de fixer ton chemin pour ne jamais perdre la trace...
Je l'ai toujours su, que les chevaux de bois ne veulent pas céder. Que, bien après que les enfants qu'ils portaient soient retombés sur terre dans la vie telle qu'elle va, ils continuent la route, afin que le souvenir des grands pays qu'elle traversait ne se perde pas tout à fait dans nos mémoires vacillantes.
Et quand, plus tard, las de nos vies étranges, nous refermons les yeux, ce sont eux, les vieux chevaux fourbus, qui viennent nous chercher, pour une chevauchée dernière, dans le soleil d'avant, et les neiges d'antan.
Et loin de nous qui voyageons là-bas, revenus à nous-mêmes, qu'importe si le temps, d'un coup de vent furieux, claque le grand couvercle de la malle aux chansons, tandis qu'on jette au feu la carcasse de bois de nos rêves d'enfants ?