Point d'interrogation
Au château de la Brède, où vécut Montesquieu, chaque porte a sa devise, chaque porte indique un chemin différent de la pensée, du désir ou de la vie quotidienne.
Car la vérité n'appartient qu'à celui qui n'en néglige aucun, mais sait aller de l'un à l'autre, et d'ici à là-bas, et d'ailleurs à partout.
Ainsi, par cette porte, il s'en venait, continuellement, à sa bibliothèque.
Et par cette autre, il s'en allait, vers les Lumières et vers Paris,
en cheminant encore dans ses terres et ses vignes.
Il aimait mettre des mots sur sa vie, il ne vivait vraiment qu'au carrefour des mots, et de lui-même il parlait au passé.
En cela il était véritablement écrivain.
Et cela m'a enchantée.
Mais ce qui m'a plu encore bien davantage, c'est la question de l'arbre, à la dernière porte, qui menait hors du parc :
Qui donc l'avait posé là, au moment de partir, ce grand point d'interrogation mûrissant sur l'écorce ?
Quel visiteur malicieux, quel promeneur philosophe ?
N'était-ce pas plutôt lui-même, le maître de la Brède, qui l'avait charbonné pour nous tous, ce vrai mot de sagesse, toujours vivant et toujours en chemin
?