L'oeuf brisé
Il gisait sur le sol.
Tombé du nid ou jeté sous son arbre par un coucou du bois, il ne verrait jamais le ciel.
De son désir de vivre ne restait que le bec entrouvert - béjaune de merle noir sous sa peau de caillou - , et ce fin duvet gris qu'on distinguait très doux aux fentes bleues de la coquille.
Il s'en irait nourrir les petits du corbeau, ou bien l'éplucheraient de leurs pinces rapides les nécrophores pansus.
Cent coquilles brisées pour un seul oisillon jeté vers l'avenir, une vie sacrifiée rassasiant le jardin : c'est la Loi, c'est ainsi, et le total est toujours bon pour ce comptable fou qu'on appelle Nature.
Mais nous, mais nous humains, qui ne voulons pas de la Loi, nous qui devons, pour être humains, obstinément dire non.