Violence

Publié le par Carole

Violence
 
 
C'est très violent, souvent, ce que disent les enfants. Aussi violent que ce qu'ils vivent.
Tout à l'heure, dans le tramway, une classe d'école primaire est montée avec fracas.
Ils font un bruit immense, ces petits êtres, lorsqu'ils sont réunis, car ils parlent sans cesse et sans cesse ils se parlent - et ils nous étourdissent, car nous, adultes, ne savons plus ce que c'est que parler, se parler, tout dire et tout se dire.
Quelques enfants s'étaient placés près de moi.
J'ai d'abord entendu le plus petit, le plus frêle. Il parlait à deux plus grands, plus vigoureux :
—C'est un soldat, ma maman. Et ma mamie, c'est deux soldats. Elle me bat... comme ça... Elle me donne des coups de poings... Moi, je suis pas un soldat.
—T'en fais pas, on va t'entraîner...
—Ma mamie, c'est deux soldats. Et mon papa, c'est mille soldats. Et mille, c'est encore plus que dix mille. Mon papa, c'est mille soldats. Moi, je suis pas un soldat.
—On va t'entraîner... Kevin, il a des bombes dans ses poches, ça peut être très utile. Et moi, j'ai des épées qui sortent de mes mains. Des épées magiques...
—Je suis pas un soldat...
 
La fin de la conversation, je ne l'ai pas entendue, car nous étions arrivés à mon arrêt et j'ai dû descendre. 
Je me suis dit qu'il y avait toute la violence du monde, dans ces paroles d'enfants. Celle qu'on subit. Celle qu'on veut infliger en retour. Toutes les humiliations, toutes les résignations, et toutes les révoltes. Tous les malheurs des hommes. Toute la violence du monde. La violence qui se sème et se cultive si aisément, mais qu'on n'éradique plus ni des coeurs des victimes ni de celui des bourreaux.
Et je les ai haïs, tous, la mère, la grand-mère et le père, toute la famille soldat acharnée à blesser cet enfant qui ne voulait pas faire la guerre.

 

Publié dans Fables

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Z
tu as peut être, hélas, raison...Souhaitons lui et à tant d'autres de la résilience..
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Z
Quel crédit accorder à ces propos? On n'a pas le ton, l'ambiance...j'aurais tendance à croire qu' un enfant battu ne parlerait pas de cela. En tout cas, je l'espère pour lui, qu'il s'agit surtout<br /> un fantasme..Mais c'est vrai, on apprends l agressivité très tôt
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C
<br /> <br /> J'ai reproduit les paroles du petit mot à mot. Il peut avoir trop d'imagination, évidemment, mais je ne vois pas pourquoi un enfant battu n'en parlerait pas car, lorsque j'étais élève, j'ai<br /> entendu des choses incroyables dans la cour de récréation, qui étaient tout à fait vraies. Pour le reste, peut-être que les instituteurs y verront plus clair. Je crois qu'il y avait un grave<br /> problème. Mais je ne suis pas assistante sociale ni policière, et je ne peux pas faire d'enquête. Je ne sais même pas comment ce petit s'appelle, alors les choses en resteront à cette<br /> transcription littérale des paroles entendues, tout de même plus que surprenantes.<br /> <br /> <br /> <br />
M
La cour des miracles organisée..Depuis deux ou trois générations les jeunes ont des enfants trop jeunes, ils n'ont pas de référence.. et la génération suivante est pire encore car eux n'ont eu ni<br /> parents ni grands parents.. assistés toute leur pauvre vie!
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C
<br /> <br /> Là, je ne peux pas te répondre vraiment, car il s'agissait d'un enfant et d'une famille que je ne connaissais pas du tout. Sinon, j'avais plutôt tendance à trouver que les gens avaient des<br /> enfants plus tard. Mais les problèmes d'éducation, j'en ai rencontré beaucoup dans mon métier.<br /> <br /> <br /> <br />
N
Je pense en te lisant au livre qui vient de sortir, écrit par un jeune homme passionnant: "En finir avec Eddy Bellegueule". Je ne l'ai pas lu, mais entendu à plusieurs reprises son jeune auteur<br /> Edouard Louis.
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L
La seule chose que je voudrais retenir c'est qu'il y a des enfants qui éprouvent de l'amitié, de la pitié; mais je sais que je penserai surtout à ce petit garçon dont la maman est un soldat.... et<br /> la mamie deux soldats. C'est atroce, chère Carole!...<br /> Lorraine
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J
C'est terrifiant ce que tu nous racontes là. Je comprends ta réaction. Le pire c'est que la violence se communique de génération en génération.Comment arrêter cette spirale infernale ? Amitiés.<br /> Joëlle
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M
Déjà en butte à l'adversité, Notre société n'aurait donc que cela à offrir! C'est souvent le cas hélas!
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N
Que c'est douloureux de voir cette violence à tous les niveaux... Allez : on espère des jours meilleurs !
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A
Bonjour Carole,<br /> Cette violence est une prison dans laquelle s'enferment les bourreaux qui érigent alors des murs autour de leurs enfants, les condamnant à souffrir autant qu'ils ont souffert. Elle est terrible<br /> cette transmission comportementale, cette impuissance exprimée par les coups. Cela cache pourtant, (je veux y croire) bien caché, oublié, un amour bafoué qui ne peut s'exprimer, des larmes<br /> asséchées et un manque cruel d'espoir.<br /> Comme toujours à te lire, j'ai envie d'approfondir. Alors je pose quelques mots et m'en retourne en méditant. Et aujourd'hui je ressens un élan de tendresse vers ceux dont tu parles car je suis<br /> persuadée qu'il n'y a que l'amour pour vaincre la haine.<br /> Amicalement.
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H
Les violences naissent de grandes souffrances dont les origines sont oubliées, c'est ce que je pense.Les enfants ont toujours joué à être des guerriers, chevaliers comme au temps médiévaux, soldats<br /> après les guerres...Trop de banalisation de la violence.<br /> Amicalement.
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J
Un couvre-chef avec le mot Violence...
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C
<br /> <br /> Oui. j'avais pris la photo la veille, justement. Comme a dit Jill, "on le vend, ça"...<br /> <br /> <br /> <br />
A
La vraie violence n'est pas sous les barreaux. C'est ignoble, révoltant, qu'elle touche les enfants!
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R
Les enfants d'aujourd'hui seront les gouvernants et les gouvernés de demain ...<br /> <br /> Tout dépendra de l'éducation donnée ...
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A
Les enfants sont confrontés très tôt, de la part des adultes, à toutes les formes de violence, et apprennent aussi très tôt à la reproduire!
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J
Eh bien... et ce bonnet en vitrine, on le vend ça aurait dit Coluche... Merci Carole !
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