Papillon
Une dépêche de l'AFP (http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/07/23/la-moitie-des-papillons-des-prairies-a-disparu-ces-vingt-dernieres-annees-en-europe_3451289_3244.html) parue cette semaine dans ces pages intérieures que les journaux réservent aux mots croisés ou à l'horoscope, nous apprenait une nouvelle infime, plus vaste pourtant, plus effrayante que bien d'autres qu'on lui avait préférées en "Une" : les papillons de prairie sont aujourd'hui moitié moins nombreux en Europe qu'ils ne l'étaient il y a vingt ans. Leur déclin, parallèle à celui des abeilles, s'explique lui aussi par des causes multiples dont il ressort pourtant une unique certitude, qui est que les humains y sont lourdement impliqués. Il est à redouter que ce déclin ne s'aggrave encore, jusqu'à ce que, peut-être, les papillons de prairie disparaissent tout à fait.
Les papillons de prairie, ai-je pensé, et les autres ? Les autres, ceux des montagnes, ceux des forêts, ne s'effacent-ils pas eux aussi, dans cette création à l'envers, proprement infernale, que l'homme impose aujourd'hui au monde, détruisant en quelques années, avec l'obstination des fous obsessionnels, ou des idiots peut-être, ces vies que la nature avait mis des millions d'années à dessiner dans leur perfection divine ?
Alors quand j'ai vu dans ma lavande cette "belle dame", si légère, si vivante, avec ses ailes colorées si semblables à celles que les peintres anciens donnaient aux anges, sur ces tableaux où ils faisaient à la Vierge, dans son beau jardin clos, une haie frissonnante d'éternité légère, j'ai pensé à ce monde d'après.
Un monde où nul ne saura plus que l'aile d'un papillon, autrefois, de son frémissement délicat, tenait en équilibre l'univers. Un monde où nul ne saura plus ce que disaient les fleurs. Un monde où nul ne saura plus ce que voyaient les peintres. Un monde où nul ne saura plus ce que savaient les anges.