Opéra
Il y avait eu tempête au panneau d'affichage. Tout s'était retourné, découpé, recollé. On aurait vraiment cru un collage de Prévert, faisant son cirque dans la rue sur un air de Chagall.
Avec ce mot, Opéra, comme un mégot farceur, comme un sourire aux lèvres, sous le nez en pirouette... C'était peut-être l'opéra du vent et de la pluie, de la terre inondée sous la lune obscurcie. Ou bien l'opérette en goguette du hasard qui nous guette.
Le temps change sans fin les têtes d'affiches, on le sait bien. Visages après visages claquent au vent de renommée dans les voiles des jours.
Mais l'artiste, c'est celui qui toujours continue. Le clown se meurt, le clown est mort? Qu'importe, il s'en revient toujours. Comment donc pourrait-il mourir, puisque nous conservons son beau brin de sourire au nid de nos chansons ? Puisque nous emportons un peu de son regard dans nos yeux de passants,
nos yeux lavés au bleu de son esprit de fantaisie,
nos yeux semés au grain de sa douce folie,
nos yeux multipliés comme le pain de poésie.