La porte
Exposition - médiathèque Beauce et Gâtine - Selommes
J'ai voulu hier aller visiter la médiathèque. Car il y a maintenant une médiathèque dans ce petit village où j'ai pris, tout enfant, l'habitude d'entasser presque sans choisir, sur les rayonnages de ma vieille bibliothèque fermée de grillages comme un garde-manger, les livres achetés à la ville, comme un pauvre aurait enfermé dans l'armoire à provisions son grain, son huile et son sel - pour ne pas mourir de faim pendant les vacances - pour ne pas disparaître de ne plus avoir un seul quignon de papier imprimé à me mettre sous la dent.
J'ai trouvé porte close, bien sûr, en cette période de fêtes.
Mais devant la porte fermée il y avait une autre porte.
Celle-là était sans serrure et ouverte à tous les passants de ce monde. Elle avait été peinte en bleu de lavande et de source, et un enfant y avait calligraphié, aux changeantes couleurs de l'espoir, les premières lignes, si souvent oubliées, si souvent bafouées et trempées dans le sang, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Fermant cette bannière d'arc-en-ciel, le mot fraternité était posé très rose, oiseau d'aurore sur sa branche espérance. Et, là-bas, tout au bout, l'accent aigu, traçant sa route, délié comme une aile, paraissait s'envoler plus haut, bien plus haut que la barre du t, bien plus haut que toutes les portes barrées.
C'était si beau, si accueillant que je suis entrée.