L'oiseau blessé
Blessé, il s'était réfugié là, à l'ombre de quelques marches qui déjà se tachaient de sang.
Il se tenait recroquevillé, aussi arrondi sur lui-même que jadis, dans l'oeuf. Tout à fait immobile, évitant de regarder au-delà de lui le monde devenu si vaste et si hostile, maintenant qu'il n'avait plus pour s'y conduire qu'un moignon d'aile rouillé sur sa blessure.
Quand je me suis approchée il est resté ainsi, aussi figé que la pierre, et ne cherchant à fuir que mon regard, pensant sans doute que j'étais la mort qui venait le trouver, et que, s'il ne la voyait pas, peut-être elle ne le verrait pas.
Ainsi font les animaux blessés. On dit qu'ils se cachent pour mourir. Mais ce n'est pas tout à fait cela : ils se cachent de la mort, et ils attendent.
Et quand la mort, qui visite soigneusement tous les trous d'ombre et toutes les tanières, zélée servante de l'ordre de ce monde, les a enfin trouvés, ils la laissent approcher, sans la regarder, s'efforçant de ne rien savoir d'elle pour qu'à son tour elle oublie tout ce qu'elle savait d'eux, et passe son chemin. Alors, bien sûr, elle entre, inexorable, et pose sa main sèche sur les yeux qui fuyaient.
Penchée sur lui, j'aurais voulu lui dire : "Oiseau, ne reste pas ainsi". Mais que suis-je moi-même en ce monde, que cet oiseau qui tremble de regarder la mort ?