L'oiseau blessé

Publié le par Carole

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Blessé, il s'était réfugié là, à l'ombre de quelques marches qui déjà se tachaient de sang.
Il se tenait recroquevillé, aussi arrondi sur lui-même que jadis, dans l'oeuf. Tout à fait immobile, évitant de regarder au-delà de lui le monde devenu si vaste et si hostile, maintenant qu'il n'avait plus pour s'y conduire qu'un moignon d'aile rouillé sur sa blessure.
Quand je me suis approchée il est resté ainsi, aussi figé que la pierre, et ne cherchant à fuir que mon regard, pensant sans doute que j'étais la mort qui venait le trouver, et que, s'il ne la voyait pas, peut-être elle ne le verrait pas.
 
Ainsi font les animaux blessés. On dit qu'ils se cachent pour mourir. Mais ce n'est pas tout à fait cela : ils se cachent de la mort, et ils attendent.
Et quand la mort, qui visite soigneusement tous les trous d'ombre et toutes les tanières, zélée servante de l'ordre de ce monde, les a enfin trouvés, ils la laissent approcher, sans la regarder, s'efforçant de ne rien savoir d'elle pour qu'à son tour elle oublie tout ce qu'elle savait d'eux, et passe son chemin. Alors, bien sûr, elle entre, inexorable, et pose sa main sèche sur les yeux qui fuyaient.
 
Penchée sur lui, j'aurais voulu lui dire : "Oiseau, ne reste pas ainsi". Mais que suis-je moi-même en ce monde, que cet oiseau qui tremble de regarder la mort ?

Publié dans Fables

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V
Une histoire qui me fait frissonner alors que ce matin même, j'ai appris la mort accidentelle d'une @minaute de 41 ans. Mais 41 ou 90 ans, pourrons-nous jamais nous faire à cette insupportable idée<br /> ? Les stoïciens et les épicuriens avaient fait de cette inéluctable partie de la vie, un savoir-vivre. Mais moi, dans ma petite humanité, je ne peux m'y résoudre, pas même pour les pigeons ...
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N
Bonsoir Carole !<br /> Quelle triste image, dure à soutenir...<br /> En effet, que sommes-nous dans ce monde ?<br /> Bises, belle soirée !
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Z
un texte et une image qui me laissent songeuse...pourquoi? sans doute que je me reconnais..<br /> Magnifiques.
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V
La voix.<br /> J'aurais dû mieux me relire.<br /> Effectivement il y a ce problème de droits d'auteur.<br /> Mais je suis fâchée avec eux parce que j'ai déclaré de la musique sur mon blog pendant plusieurs années et on n'a pas cessé de me réclamer des sommes , alors que sans le savoir je diffusais souvent<br /> des oeuvres du domaine public ; tandis que quand je diffusais des oeuvres récentes d'auteurs déclarés à la SACEM que je connaissais, ceux-ci n'ont jamais touché 1 centime sur tout ce que moi j'ai<br /> pu cotiser. Du coup je me suis fâchée et j'ai tout arrêté.
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C
<br /> <br /> Oui, je comprends très bien ta colère. On est sans cesse ennuyé avec ces histoires, et on finit par se lasser. Pour les photos, c'est encore pire que pour la musique, il y a des droits même sur<br /> les bâtiments d'architectes payés par les contribuables ! On ne s'en sort pas, on est obligé d'être toujours un peu dans l'illégalité. <br /> <br /> <br /> Pour en revenir à la musique, quand tu dis qu'il y a des oeuvres du domaine public, il ne doit pas y en avoir beaucoup, car, en France, par exemple, il faut attendre 70 ans après la mort, non<br /> seulement des auteurs, mais même des interprètes - de même, en littérature, 70 ans après la mort des traducteurs - et, si les artistes sont américains, c'est encore plus long ! <br /> <br /> <br /> C'est d'autant plus choquant que, comme tu le dis bien, tous ces droits ne profitent pas aux artistes, mais à ceux qui "exploitent" (c'est justement le mot !) leur travail... Mais lutter pour la<br /> gratuité, c'est au-dessus de nos forces : tu as vu ce qui est arrivé à Aaron Swartz ? <br /> <br /> <br /> <br />
V
Mince, je te demande pardon !! Je les ai confondus complètement tous les deux !! Alors que justement la vois n'est pas la même, ni le style... Je suis désolée... Oui, tu vois, ce soir je suis un<br /> peu KO. Je comprends mieux pourquoi il chante toutes ces mélodies allemandes !! Et en français, c'est gentil à lui de nous rendre hommage, mais n'étant pas français il est normal qu'il l'interprète<br /> moins bien. Oui, j'avais surtout cherché sur youtube mais peu regardé sur deezer.
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C
<br /> <br /> Deezer offre un choix plus limité, je n'y ai pas trouvé l'interprétation de Christa Ludwig que j'ai adoré écouter chez toi.<br /> <br /> <br /> <br />
H
Un texte qui me donne des frissons d'émotion, comme c'est bien écrit!<br /> Je suis toujours impressionnée par la dignité des bêtes.<br /> <br /> Hélène*
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E
Je suis très émue .D'une part , pour ce pigeon , qui j'espère s'en est tiré( je veux le croire) et d'autre part , tes mots , si beaux ont réveillé un triste souvenir qui me poursuit: ma chatte<br /> Félicie ( 20 ans) s'était réfugiée au fond du jardin pour mourir .....Nous sommes bien petit devant ce moment inéluctable.<br /> Douce soirée, bises Carole
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N
A méditer, comme nous y invite Richard Lejeune. Que savent les animaux de la mort? Auraient-ils à nous apprendre?
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M
Notre lot à tous, nous savoir mortels et vivre comme si ça n'était pas le cas! Mais les animaux eux ne savent pas ce que c'est, ils le sentent plutôt!
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J
Pauvre pigeon, une aile brisée ne pardonna pas dans la nature... La mort au bout, sans doute... Triste photo Carole, on aimerait avoir une baguette magique !
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J
Les animaux savent-ils attendre la mort avec plus d'acceptation que nous ? Les enfants le savent, je l'a souvent constaté. Nous saurons peut-être un jour en faire une alliée. Bonne journée Carole.<br /> Amicalement. Joëlle
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M
C'est un instant fort.. que ce pauvre pigeon blessé, nous fait vivre par tes mots.<br /> Avec amitiés... un gros bisou<br /> Jeanne
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R
Ah, cette finitude qui tant fait peur à l'homme ...<br /> <br /> Relisons Épicure qui déjà écrivait, dans sa devenue célèbre Lettre à Ménécée (Le Livre de Poche n° 4628, p. 193 de mon édition de 1994 :<br /> <br /> <br /> "Le plus terrifiant des maux, la mort, n'a donc aucun rapport avec nous, puisque précisément, tant que nous sommes, la mort n'est pas là, et une fois que la mort est là, alors nous ne sommes plus.<br /> Ainsi, elle n'a pas de rapport ni avec les vivants, ni avec les morts, puisque pour les uns elle n'est pas, tandis que les autres ne sont plus."
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A
Peur de la mort, ou besoin de sérénité, avec la conscience instinctive que, même entourés, nous sommes seuls face à cette situation unique et définitive?<br /> Cela ressemble à l'Indien qui retourne mourir dans sa montagne,seul, à l'enfant malade qui s'isole avec une sorte de pudeur mélée au besoin absolu de solitude.<br /> La sagesse très respectable de ceux encore proches de l'essentiel.
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