l'accordéoniste
Je marchais dans les allées du parc, quand j'ai entendu le son d'un accordéon.
La musique trébuchait un peu, cherchait, s'exerçait. C'était l'effort d'un apprenti, d'un débutant, cela aurait pu être le jeu d'un enfant, ou d'un adolescent... mais quelque chose d'imperceptiblement timide et honteux, qui n'avait rien d'enfantin, se glissait dans l'élan maladroit des notes - quelque chose de tendre et de profond qui s'en allait comme un mince filet de nuage vers le ciel moutonnant, si tiède encore, de ce dernier après-midi d'août où le vent descendant, d'un coeur léger, les pentes de l'été, poussait doucement ses troupeaux vers les vallées d'hiver.
Sur les chemins de la roseraie, qui tournent comme le temps et sinuent comme la vie, j'ai suivi la voie hésitante que me traçaient les sons.
Et j'ai enfin aperçu l'accordéoniste.
C'était une femme déjà âgée, aux cheveux gris de brume, probablement une habitante des immeubles voisins, qui était venue s'exercer là, discrètement, cachée parmi les fleurs du parc immense.
Souvent, on attend qu'une vie soit écoulée pour accomplir, quand la saison est passée, et que les jours déclinent, un rêve d'autrefois.
C'est sans espoir, et beau pourtant, comme le dernier point de suspension s'ouvrant à la fin d'une phrase qu'on croyait close.
Cette femme était, je crois, dans le jardin qui se fanait au dernier soleil de l'été, une rose d'automne, qui aurait eu un désir de printemps.