Galerie de capricorne - lavoir de Selommes
Un jour, je ne sais plus quand, on m'a appris que j'étais du signe du capricorne. Les étoiles m'avaient tracé sur cette terre le chemin têtu des chèvres et des monstres, des insectes invisibles qui rongent en silence le cadavre des troncs. Une piste aride, solitaire, de bête et de paria. Puisque j'étais née un quinze janvier, disait-on. Et qui donc le disait ? - des petites filles cherchant le ciel sur leurs marelles, de vieilles femmes aux cheveux de nacre, qui connaissaient la vie et mieux encore la mort, toutes sortes de gens très dignes de confiance.
Enfant, j'en ai été longtemps effrayée. J'aurais tant aimé être balance, être gémeaux, être moi-même et l'autre, plus forte d'être deux, de n'être pas toute en moi, d'être aussi un peu à côté.
Plus tard, j'ai oublié, dédaignant les astres et les astrologues, de me soucier de cet absurde signe, encombrant comme un fardeau du destin.
Et maintenant, à bien y réfléchir, cela me convient tout à fait d'être un capricorne.
D'être la chèvre depuis longtemps disparue du village, errant comme un fantôme dans les enclos déserts et chevrotant son petit air comme une mélodie de cloches dans le silence des jours perdus.
D'être l'insecte lové dans le vieux bois, traçant sa route comme un point d'interrogation, comme un trou de serrure dont la clé serait à retrouver plus loin, jetée dans l'herbe haute.
D'être là-haut, dans ce grand mouvement des étoiles qui dessinent des routes, des ombres et des vies, et d'être, aussi, au plus profond des poutres, dans l'aubier d'un monde très ancien, l'insecte lent qui creuse des galeries profondes - me nourrissant, pour qu'elles vivent encore un peu en moi, de tant de choses qui ont été solides, qui ont tenu le ciel du monde où j'habitais, et qui, bientôt peut-être, ne seront plus.