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Envie de prendre la porte

Publié le par Carole

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"Allez paître. Il y a assez longtemps que vous mangez du foin. Voici venu le printemps." (Henry David Thoreau)
 
 
Quelquefois - qu'est-ce donc qui nous prend, nous saisit par la manche, nous attrape aux épaules et nous pousse à l'abîme ? - peut-être que c'est tout ce vert des arbres, de l'autre côté de la rue, qui cogne à la fenêtre comme un coeur bien vivant - ou bien ce coin de mouchoir bleu, là-haut dans les nuages, derrière la pluie qui bat - ou alors cette mouche obstinée, sous le plafond trop bas, heurtant du front l'ampoule comme un soleil perdu, au sortir de l'hiver - qui peut le dire ?
Mais voilà, quelquefois, comme ça, d'un coup, sans savoir pourquoi,
on a envie de prendre la porte.
De tout laisser de tout claquer.
Les jours noirs la pluie froide le parapluie sans joie.
La vie en ville le balcon du cinquième.
Les gens et les soucis.
Les murs sales le métier gris.
Envie de tout laisser de tout jeter.
D'arracher de leurs gonds ces ombres qui nous gênent et nous bouchent la route.
De tout plaquer en grands accords sonores.
De tout planter dans la terre odorante.
De tout larguer dans les rivières et l'océan.
D'envoyer promener sa vie.
De marcher de marcher
dans le printemps dans le vert des grands arbres dans la rosée des prés dans le proche et dans le lointain.
De s'en aller en arc-en-ciel par-dessus les heures sombres.
De grandir en soleil sur les chemins d'en-haut.
De glisser en rivière sur les cailloux du ciel.
De s'en aller
très loin
tout près
vers soi.
 
Mais voilà que sans savoir pourquoi - qu'est-ce donc qui nous prend, nous appuie sur le crâne, nous ligote les nerfs, nous arrache à nous-même et nous ramène à la raison ? - on se lève, on ferme la porte entrouverte, on tire les rideaux, on écrase la mouche comme un mégot.
On continue
à n'aller nulle part.
Et on a un peu honte, quand on reprend le soir son parapluie trop lourd,
De sortir dans la nuit qui descend lentement
Et de marcher voûté comme un nuage bas,
très loin
si loin
de soi.

Publié dans Fables

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Juste un faux pas

Publié le par Carole

     Tout s'était enchaîné de manière si bizarre... La veille au soir, il avait terminé ce roman du Japonais Haruki Murakami, l'un des derniers parus, celui qui a pour héros un personnage dont le nom n'a pas de couleur mais signifie "fabriquer" - l'incolore Tsukuru, qui fabrique des gares mais peine à trouver la couleur de sa vie. Et, juste avant de s'endormir, au tout dernier chapitre de ce qui jusque là lui avait semblé n'être qu'un roman d'amour, d'amitié et de vagues fantômes, il avait lu soudain ces remarques étonnantes et sans le moindre rapport apparent avec tout ce qui avait précédé : "Prendre garde à ne pas tomber dans l'escalier, à ne pas perdre une chaussure, ce sont là des questions vitales dans une gare gigantesque, à une heure de forte affluence... ". Ne pas tomber dans un escalier, soit, mais ne pas perdre une chaussure... comment pouvait-on dire qu'il s'agissait d'une question vitale ? Ces Japonais étaient décidément des gens très étranges... Il avait jeté un coup d'oeil sur la descente de lit... Ses chaussures étaient toujours là. Une belle paire de chaussures, solides et assurées, qui l'attendaient bien rangées. Des chaussures élégantes, bien sûr, et qu'en effet il n'aimerait pas perdre, mais des chaussures banales assurément, qui rempliraient banalement leur mission, et soutiendraient banalement ses pieds, le lendemain comme chaque jour, lorsqu'il se serait habillé et rasé. Des chaussures, en somme, que nul n'aurait l'idée de fixer du regard en marchant comme si elles ne rêvaient que de s'enfuir [...]
 
Suite du récit à lire sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com

Publié dans Récits et nouvelles

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