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Le Dimanche de la vie

Publié le par Carole

Le Dimanche de la vie
"Les personnages de ce roman étant réels, toute ressemblance avec des individus imaginaires serait fortuite."
Raymond Queneau, Le Dimanche de la vie
 
 
 
Il y avait longtemps que je n'avais pas rencontré Roger Dimanche sur les murs de la ville. 
Nous étions un lundi, mais c'est toujours dimanche pour ceux qui montent aux palissades comme ils repeignent le pavé - et les mots rebattus. Il était revenu s'afficher rebel warholarty, sur une barricade aussi fleurie d'interdits que ces tristes filets où se débattent en coeurs mourants les ailes encore vives des papillons captifs.
Il était interdit strictement interdit de s'approcher de stationner de regarder d'explorer de stationner de regarder de s'approcher. Alors, évidemment, notre Dimanche de la ville avait collé, près de la grande affiche que j'avais vue de loin, une autre affiche étroite et grise, dont on ne pouvait lire les lettres minuscules qu'en s'approchant pour stationner, regarder, explorer... Passant rebelle, je me suis approchée - tout près - évidemment.
 

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Que faisaient-ils en 1907, nos ancêtres ouvriers et nos cousins dockers ? Ils rêvaient le dimanche au dimanche de la vie.
Que faisaient-ils le dimanche, nos ancêtres ouvriers et nos cousins dockers ? Ils rédigeaient des tracts, pour faire rêver la ville au dimanche de la vie.
Et le lundi, et le mardi, le mercredi et le jeudi, le vendredi, le samedi aussi, que faisaient-ils encore, nos ancêtres ouvriers et nos cousins dockers ? Ils réchauffaient leurs coeurs aux rêves du dimanche.
Tous ils rêvaient si fort du dimanche de nos vies, que leurs rêves peu à peu devenaient aussi vrais, clairs et ensoleillés, que des dimanches d'été 36.
 
Mais le chiendent tenace, mais le chiendent vorace, pourquoi faut-il toujours qu'il nous ronge la vie jusqu'au creux des dimanches ? Pourquoi faut-il toujours qu'il croche ses racines sur le terreau des rêves d'où s'envolent nos ailes ?
 
 
Ils gisaient gris éteints, sur cette affiche obscure, les rêves des anciens, 
comme papillons morts au fond de leurs filets,
quand les chasseurs de rêve ont compté leur récolte.
 
http://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/02/19/droit-du-travail-des-journees-de-dix-heures-pour-les-mineurs-en-apprentissage_4868614_1698637.html
 

Publié dans Fables

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Coeur d'os

Publié le par Carole

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On voit cela souvent. Un arbre ouvrant son coeur au regard des passants. Et ce coeur est un mort, qui soutient l'arbre vert.
Car c'est ainsi que grandissent les arbres : sur leur propre coeur d'os. Le tronc haut du vivant s'appuie sur le vieil os, qui réchauffe sa mort dans la fourrure d'écorce du vivant qui l'abrite. Aubier et duramen. Duramen et aubier.
 
Nous emportons nos morts en nous, ils soutiennent nos vies, ils sont les grands tuteurs  où poser nos pensées, où faire grimper nos rêves. 
 
Sans eux nous serions si petits. Arbustes nains, genévriers rampants.
Sans nous ils n'auraient jamais pu savoir qu'ils étaient arbres.
 
Ensemble nous cherchons ce chemin vers le ciel qui s'en va de la terre, passant par les nuages, courant par les orages, tout trempé de ces larmes dont on fait les bourgeons.
 

Publié dans Fables

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