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Inauguration

Publié le par Carole

Inauguration
L'affiche est déchirée, pâlie d'oubli et de soleil, piquée de rouille et de pluie brune, froissée aux mains du vent, déchirée par le temps.
Mais le mot reste fièrement lisible, avec son R de naïve audace :
 
"INAUGURATION"
 
On aurait pu écrire "ouverture", mais on a préféré, pour se confier au sort, choisir "inauguration", qui retient quelque trace des antiques augures.
C'est une telle joie, de commencer, une si tremblante espérance.
 
Ouvrir la première page du cahier de feuillages, au premier jour des sources, pour y inscrire, à la pointe d'eau verte du crayon retrempé, les premiers mots du tout premier poème.
Poser la première pierre comme une graine dans la boue, parmi les fleurs semées et les rêves en bourgeons.
Planter le premier arbre pour l'offrir au jardin. Peindre au bout du chemin la petite maison.
 
Y croire et croire. S'arrêter sur le seuil.
Coller l'affiche sur le mur. Et détourner les yeux de la table du fond où s'est déjà assis Demain, joueur féroce qui la battra parmi ses cartes. Ne regarder que devant soi.
Passer la porte enfin et s'avancer. Essuyer l'ombre de la main comme un verre sale.
 
Dans tout commencement, toute la vie, tout l'élan de la vie.

Publié dans Fables

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Blog en travaux

Publié le par Carole

Blog en travaux
Chers lecteurs,
Mon blog est actuellement en reconstruction : je travaille à la remise en forme de l'ensemble de mes articles passablement bouleversés par la mise à jour d'Overblog.
Il ne m'est pas possible pour l'instant de répondre à vos commentaires ni de vous rendre visite.
Je vous remercie de votre patience, et vous dis à très bientôt !

Publié dans Divers

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Le musard (réédition)

Publié le par Carole

le musard 1.psd
 
    "Tu sauras que "musardise" signifie rêvasserie douce, chère flânerie, paresseuse délectation à contempler un objet ou une idée... Tu sauras que, suivant certaines étymologies, "musarder" veut dire avoir le museau en l'air, ce qui est bien le fait du poète."
(Edmond Rostand, Les Musardises)
 
 
 
Ce musard bleu attendait à quai, posé sur le reflet des arbres, tirant un peu sur sa laisse rouillée. Après la pluie il avait conservé, au creux de son museau, un peu de l'eau du ciel.
Moi, l'éternisant, pour l'amuser je lui parlais, poétisant tout bas :
"Musardons, mon musard, puisqu'à musarder tu m'invites, musaraigne du flot.
Musardons pour amuser la Muse, l'enjôleuse musarde qui ne sourit qu'à ceux qui musent, aux nonchalants qui usent, abusent et jamais ne mésusent des douces musardises.
Musardons aux murmures de l'eau, aux reflets musagètes, à tout ce qui infuse.
Musardons, paressons en musarderies, posons-nous sur les mots qui sinuent et qui muent, sur les phrases profuses et les pensées diffuses.
Musardons, oublions la Camuse, qu'elle en reste confuse, cette absurde fâcheuse, cette obtuse faucheuse.
Musardons, qu'aucune crainte creuse, qu'aucune ruse abstruse ne vienne museler notre musette. Et puis, que la musique fuse, qu'elle soit juste, qu'elle soit forte, qu'elle soit douce, qu'elle soit âpre, qu'elle soit nécessaire à ceux qui nous écoutent, et même à ceux qui nous accusent !
Il ne nous faut rien de plus.
Car à ceux qui savent musarder, qu'on appelle poètes, la Muse donne tout ce qu'aux autres elle refuse."

 

Publié dans Fables

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La brisure

Publié le par Carole

La brisure
Il pleuvait. A verse et à tristesse.
Tout près de la statue veillaient ces canards bruns.
De la même couleur exactement que la forme de pierre. Et comme elle immobiles au-dessus du bassin où ricochait l'averse.
C'était une si belle harmonie, un si délicat camaïeu de silhouettes et de nuances, que je me suis arrêtée. Un bon moment j'ai admiré, trempée, ce tableau du jardin sous son glacis de pluie.
Une image très pure, très heureuse, d'une grâce réconfortante, dans la boue d'un jour d'ombre.
 
Soudain j'ai vu la jambe brisée de l'enfant dans les bras de sa mère.
Le moignon ouvert du genou.
Et cette femme hallucinée, qui le tenait dans ses bras sans rien savoir, et se penchait trop loin, souriante, fascinée par sa propre image tremblante.
Tandis que le miroir piqué de pluie se déchirait comme un cri qu'on étouffe.
 
C'est si souvent ainsi : on admire l'harmonie. La grâce nous séduit. Le bonheur, d'un peu loin, nous semble si parfait. Ce n'est qu'après qu'on la remarque, la fêlure, la blessure.
La brisure. 

Publié dans Fables

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