L'affiche est déchirée, pâlie d'oubli et de soleil, piquée de rouille et de pluie brune, froissée aux mains du vent, déchirée par le temps.
Mais le mot reste fièrement lisible, avec son R de naïve audace :
"INAUGURATION"
On aurait pu écrire "ouverture", mais on a préféré, pour se confier au sort, choisir "inauguration", qui retient quelque trace des antiques augures.
C'est une telle joie, de commencer, une si tremblante espérance.
Ouvrir la première page du cahier de feuillages, au premier jour des sources, pour y inscrire, à la pointe d'eau verte du crayon retrempé, les premiers mots du tout premier poème.
Poser la première pierre comme une graine dans la boue, parmi les fleurs semées et les rêves en bourgeons.
Planter le premier arbre pour l'offrir au jardin. Peindre au bout du chemin la petite maison.
Y croire et croire. S'arrêter sur le seuil.
Coller l'affiche sur le mur. Et détourner les yeux de la table du fond où s'est déjà assis Demain, joueur féroce qui la battra parmi ses cartes. Ne regarder que devant soi.
Passer la porte enfin et s'avancer. Essuyer l'ombre de la main comme un verre sale.
Dans tout commencement, toute la vie, tout l'élan de la vie.
Blog en travaux
Chers lecteurs,
Mon blog est actuellement en reconstruction : je travaille à la remise en forme de l'ensemble de mes articles passablement bouleversés par la mise à jour d'Overblog.
Il ne m'est pas possible pour l'instant de répondre à vos commentaires ni de vous rendre visite.
Je vous remercie de votre patience, et vous dis à très bientôt !
Le musard (réédition)

La brisure
Il pleuvait. A verse et à tristesse.
Tout près de la statue veillaient ces canards bruns.
De la même couleur exactement que la forme de pierre. Et comme elle immobiles au-dessus du bassin où ricochait l'averse.
C'était une si belle harmonie, un si délicat camaïeu de silhouettes et de nuances, que je me suis arrêtée. Un bon moment j'ai admiré, trempée, ce tableau du jardin sous son glacis de pluie.
Une image très pure, très heureuse, d'une grâce réconfortante, dans la boue d'un jour d'ombre.
Soudain j'ai vu la jambe brisée de l'enfant dans les bras de sa mère.
Le moignon ouvert du genou.
Et cette femme hallucinée, qui le tenait dans ses bras sans rien savoir, et se penchait trop loin, souriante, fascinée par sa propre image tremblante.
Tandis que le miroir piqué de pluie se déchirait comme un cri qu'on étouffe.
C'est si souvent ainsi : on admire l'harmonie. La grâce nous séduit. Le bonheur, d'un peu loin, nous semble si parfait. Ce n'est qu'après qu'on la remarque, la fêlure, la blessure.
La brisure.