Mnémosyne, sol glissant
Je passais près de la belle statue de Mnémosyne qui orne le hall de la médiathèque Jacques Demy. Quelqu'un avait posé tout près du socle ce panneau aux couleurs tonitruantes : "Attention, sol glissant".
Mnémosyne, sol glissant... ?
Si souvent, le hasard dépose son grain de vérité, comme une perle lisse et ronde au creux d'une huître sale et rugueuse, dans la coquille informe de tous ces mots qui passent et qui se croisent, dans nos villes de mots.
Quoi de plus vrai, en effet ?
Sol glissant, la mémoire, qui peut nous entraîner si loin, si loin, au fond de nous, plus loin que nous, au coeur des choses, au bout du monde, vers cet abîme où la Chute nous dépouillera de notre dernier duvet d'ange.
Sol glissant, la mémoire, qui ne nous laissera plus jamais de repos, quand nous aurons commencé à errer, incertains, sur ses chemins glacés qui ouvrent dans l'obscur d'autres chemins glacés.
Sol glissant, la mémoire noire de cette ville.
Sol glissant, la mémoire jaune de nos gloires mensongères.
Sol glissant, la mémoire rouge de notre humanité.
Sol glissant, Mnémosyne.