Le faux du vrai
Sur le penchant de quelque agréable colline bien ombragée, j’aurais une petite maison rustique, une maison blanche avec des contrevents verts. Rousseau, L'Emile
Elle cligne de l'oeil, la fenêtre qui trompe.
Démêler le vrai du faux, les vrais volets de bois du faux oiseau de printemps, la vraie poutre craquelée du faux rideau de mousseline à bords fleuris, la vraie pierre de pays de la fausse balustrade - cela prend un moment.
Pour le passant qui s'arrête, c'est une halte paisible, vaguement admirative. Pour le regard qui erre et qui zigzague, c'est un voyage aventureux. Et pour tous les sceptiques de ce monde, une victoire à la Pyrrhon. Car la fausse fenêtre les fait aussi faux qu'elle-même, ces volets qui ne se fermeront plus, cette pierre sur laquelle on ne se penchera pas davantage que sur la balustrade de peinture. A moins que ces contrevents aussi verts que vrais, et cette pierre de tuffeau blond, et cette poutre vermoulue ne soient là que pour l'encadrer, lumineuse, dans sa vérité idéale comme dans nos rêves de toujours, la vieille fenêtre bouchée qui ouvrait sur le noir.
Elle cligne de l'oeil, la fenêtre à malice qui nous dit que le faux du vrai, pas plus que le vrai du faux, jamais on ne pourra le démêler - sinon d'un coup de hache, ou d'un autre coup de pinceau, en noeud gordien.