Trace d'enfance
Blois - Pont Gabriel - 9 mars 2014 - 17h35
De l'autre côté du pont, il y avait cette peluche abandonnée. L'enfant s'était arrêté là. Il s'était penché vers l'eau grise, ou bien quelqu'un l'avait tenu au dessus du parapet. Il avait vu le fleuve en crue, les hautes barres d'écume, les branches emportées par les courants énormes des eaux larges et tumultueuses, dans la violence et l'élan de cette fin d'hiver courant vers le printemps. Et saisi de surprise, d'effroi, d'admiration peut-être, l'enfant avait oublié sur la pierre son petit compagnon.
C'est souvent ainsi. On lâche la main de l'enfance, parce que le fleuve est si rapide, le courant si puissant, si vaste le tumulte, qu'on ne peut s'empêcher d'avancer avec eux et de les suivre au loin. Après ? On reviendra peut-être, et peut-être on ne trouvera rien, plus rien, ou au contraire elle sera encore là, au bord du temps, à nous attendre, l'enfance – chétive et toute ternie, comme ces jouets tristes qu'on oublie, au soleil à la pluie, sur les vieux parapets.