Prière
C'était à la cathédrale du Mans. Je me tenais sous le porche du portail sud, devant le beau Christ roi à la main brisée. Je me suis reculée pour mieux distinguer son visage usé, presque indistinct au-dessus des plis si nets encore des vêtements soulevés par le vent léger d'au-delà. Et mes yeux se sont arrêtés sur ces mots, inattendus, si pâles, à demi illisibles, écrits au feutre rose sur l'une des colonnes latérales :
PRIÈRE
POUR
MAMAN ♥
C'était doux et naïf, c'était douloureux et saignant, c'était frêle et caché comme une âme d'enfant. J'ai imaginé une mère malade, morte, emprisonnée, disparue... J'ai tout imaginé. Puis j'ai imaginé l'enfant formulant en lui-même ce qu'il ne pouvait dire et moins encore écrire, s'appliquant aux simples mots brefs et banals et si hardis pourtant qu'il posait sur la pierre, appuyant fort sur le mot PRIÈRE, ajoutant l'accent grave, un peu long, un peu haut, plume arrachée à l'aile d'un de ces anges qui dansent là-haut dans la pierre -, et ponctuant enfin, du cœur maladroit et tremblant des amours juvéniles, son petit ex-voto, pour donner plus de poids à son humble requête.
Et j'ai simplement pensé :
Qui que tu sois,
qui qu'elle soit,
quoi qu'il en soit,
cette prière d'enfant, exauce-la.