Pas de photos !
Je passais dans la rue tout à fait par hasard. On était justement en train de jeter dans des bennes les derniers vestiges du "squat" de sans-papiers qui s'était tenu longtemps dans l'immeuble aux fenêtres murées.
Des hommes s'activaient, se dépêchant de tout verser dans les bennes énormes. L'un d'eux m'a crié d'une voix forte, qu'il aurait voulue menaçante, mais qui n'était qu'angoissée : "Pas de photos, madame !"
Pas de photos ? C'est justement quand on vous crie cela qu'il faut en prendre, non ?
Pas de photos ? Il y a dans nos villes des étrangers misérables et venus de loin qui n'ont pas de visages. Ils dorment dans les rues, ils trouvent parfois refuge dans des immeubles sans chauffage aux fenêtres murées. On les expulse, on les rejette au trottoir. Puis on déverse dans des bennes, le plus rapidement possible, les nattes et les cartons, les planches et les sacs de plastique, tous les modestes objets qui faisaient leur logis. Et on nous crie : "Pas de photos !"
Je n'ai pas d'opinion précise à ce sujet, je n'ai pas de solution simple à ces problèmes. J'ai juste une certitude : celui qui passe par hasard, muni d'un appareil-photo, et qui voit cela se faire, celui-là n'a pas le choix : il doit prendre des photos. Pas le choix. C'est tout.