Horloger, prestidigitateur
Passant à Blois, non loin de la rue Triboulet, je me suis arrêtée devant cette plaque, qui peine tant à contenir le nom à double fond de "Jean Eugène Robert-Houdin" qu'elle doit en tasser les dernières lettres comme un magicien tasserait le dernier foulard dans sa manche, avant de faire sortir les colombes.
J'ai admiré ce très bel attelage : "horloger-prestidigitateur".
Qu'on puisse être à la fois un simple horloger et un vrai prestidigitateur. Le même et l'autre. Ici-bas et ailleurs. Que la magie soit à portée de chaque artisan de sa propre vie, je n'en ai jamais douté depuis cet après-midi d'été...
...mes grands-parents de Blois, comme nous disions, nous avaient conduits, mes petits frères et moi, à un spectacle de magie, dans le vieux musée Robert-Houdin d'alors. J'étais déjà trop grande, pensais-je, pour m'amuser de si peu, et je m'ennuyais ostensiblement.
Nous avions traversé des salles sombres et poussiéreuses emplies d'étranges instruments, on nous avait fait asseoir devant la scène.
Il me semble qu'un magicien en frac et chapeau à reflets avait fait surgir des montres. Je crois aussi que l'un de mes petits-frères, convié sur l'estrade, avait tenu entre ses mains un chapeau qui recouvrait un lapin, ou une bouteille. Une femme, enfin, j'en suis presque sûre, avait été découpée en plusieurs morceaux, avant de sortir demi-nue et pailletée d'un coffre tout brillant de pierreries qu'aucun sang humain n'aurait pu empêcher de briller. Mes petits frères regardaient de tous leurs yeux, essayant d'apprendre les tours, moi je ne voulais ni prêter attention à ces pauvres farces, ni bien sûr applaudir ; j'avais quatorze ans, j'avais l'intention de m'ennuyer comme un esprit supérieur et distingué, et je ne voulais pas condescendre à m'amuser d'un aussi médiocre spectacle. Mais, à ma grande honte, mon grand-père battait des mains, poussait des exclamations de joie, il était si heureux, il riait tant, il était redevenu un enfant. Jamais je ne l'avais vu aussi joyeux... et si jeune... Si jeune. C'était peu de temps avant sa mort. Extraordinaire magie du bonheur.
Il me semble qu'un magicien en frac et chapeau à reflets avait fait surgir des montres. Je crois aussi que l'un de mes petits-frères, convié sur l'estrade, avait tenu entre ses mains un chapeau qui recouvrait un lapin, ou une bouteille. Une femme, enfin, j'en suis presque sûre, avait été découpée en plusieurs morceaux, avant de sortir demi-nue et pailletée d'un coffre tout brillant de pierreries qu'aucun sang humain n'aurait pu empêcher de briller. Mes petits frères regardaient de tous leurs yeux, essayant d'apprendre les tours, moi je ne voulais ni prêter attention à ces pauvres farces, ni bien sûr applaudir ; j'avais quatorze ans, j'avais l'intention de m'ennuyer comme un esprit supérieur et distingué, et je ne voulais pas condescendre à m'amuser d'un aussi médiocre spectacle. Mais, à ma grande honte, mon grand-père battait des mains, poussait des exclamations de joie, il était si heureux, il riait tant, il était redevenu un enfant. Jamais je ne l'avais vu aussi joyeux... et si jeune... Si jeune. C'était peu de temps avant sa mort. Extraordinaire magie du bonheur.