Surveillance
Au château d'Anet, j'avais aussi photographié cette étrange inscription, enroulée comme une paupière autour de l'"oeil" de la chapelle-cénotaphe de la déesse du lieu :
SURVEILLANCE.
Elle me serait restée incompréhensible, si je n'avais pas lu, dans une note du livre d'Ivan Cloulas sur Diane de Poitiers, qu'en 1793 le château mis sous séquestre avait été constellé, ainsi qu'un grand ciel de théâtre nouvellement repeint, d'inscriptions à l'or fin qui criaient aux passants : GUERRE AUX TYRANS, SURVEILLANCE PUBLIQUE !
Un peu plus tôt, à Ivry, sur le chevet de l'église, d'autres inscriptions révolutionnaires inattendues avaient déjà attiré mon attention :
J'ai toujours cru - et ce n'est pas Joël Pommerat qui me contredira - que notre monde moderne tenait tout entier dans le grand théâtre de la révolution française.
Tout entier. Avec sa passion de la raison et sa manie de surveillance. Avec sa violence hideuse et sa générosité inouïe. Avec ses tribunes philanthropiques et ses tribunaux sans innocents. Avec sa certitude que les mots sont des armes et que les armes ne sont que des mots comme les autres.
Libertaire et totalitaire. Egalitariste et fraternel. Insolent et inquisiteur. Tout entier là, lové comme un serpent magnifique et terrible dans ces quelques années de la fin du XVIIIème siècle, si brèves et si intenses, qui nous regardent encore de leur oeil grand ouvert, pour le meilleur du pire, et le pire du meilleur - des mondes.