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Pierres tassées
C'était un de ces tas de pierres qui tiennent lieu de murets, dans nos banlieues rapidement poussées. Juste un de ces gabions de pierres irrégulières, aiguisées à la pioche ou à la dynamite, avant d'être jetées en vrac et brutalement encagées. Il aurait...
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Je ne sais pas pourquoi
Je ne sais pas pourquoi ça me rend toujours triste de les voir s'éloigner ceux qui semblent s'aimer marcher vers l'horizon dans les beaux jours si bleus ceux qui marchent ensemble s'en aller vers la mer peu à peu disparaître ceux qui ont l'air heureux....
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La mare
Il faisait si froid ces jours-ci. Chaque matin et chaque soir, moi qui me hâtais de foncer quelque part, je passais devant eux qui n'allaient nulle part, je courais devant eux qui attendaient toujours, posés sur la glace de la mare, communiant immobiles...
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Une flaque
Presque rien d'eau sur le trottoir. Une flaque. Quelques gouttes roulées sur la paume du bitume. Juste une peau de pluie légère. C'est si peu, c'est si mince, et pourtant c'est immense : un arbre y nage en frissonnant, un nuage y mûrit dans son ciel,...
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Le château de l'araignée
Dans le froid, dans le gel, je l'ai vu ce matin, le château de tricot de l'araignée du temps, le beau filet de givre arrimé sur les branches par l'obscure pêcheuse qui veille patiente à nouer immobile un fil à l'autre fil, pour en faire sa demeure, à...
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Photo de mariage
Que l'on regarde au loin, cheveux au vent, l'avenir qui s'en vient, pour un cliché d'éternité que le temps ternira, ou qu'on fixe le bout de ses pieds, tout nu sur le rivage, c'est toujours et sans fin la même histoire : il n'y a en ce monde que des mondes,...
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Monsieur Durand et monsieur Cornichon
Quand je l'ai aperçu, dans la rue, un peu fourbu, encore vaillant, et décidé toujours à poursuivre sa route, ce vieux, si vieux fourgon Citroën, tout a été là soudain, si neuf - intact. Parfait. J'ai cinq ans j'ai six ans j'ai l'âge de l'enfance que je...
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Maison de façade
Il y a des maisons comme cela. Des maisons de façade, comme il y a des maisons de rapport. Des maisons de théâtre, sans cour et sans jardin. Des maisons-silhouettes, pour y loger des ombres. Aussi étroites que médailles, des maisons qu'on ne peut regarder...
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Action
Quand tout va de travers et qu'on va décrocher Quand ça penche et ça tangue et qu'on tremble et qu'on flanche C'est un mot qu'on se dit qu'on se jure en ivrogne Action Quand ça craque et menace et qu'on veut qu'on voudrait Quand ça grince et ça gronde...
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Visage de pierre
Quand tant de visages sont de pierre, il est bon de savoir que les pierres peuvent avoir des visages. Et des paupières battantes comme le coeur des fleurs. Quand tant de bornes aveugles obstruent nos chemins d'ombre, il est doux de savoir que les pierres...
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Le bonsaï de novembre
Limé et raboté rabougri et meurtri le bonsaï de novembre battant de ses bras nains sa danse de l'automne toute engourdie de larmes au temps d'hiver qui vient aux haines qui se figent aux ombres qui attendent offre ses bouquets rouges sème ses feuilles...
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Quitter le rang
Il y a des jours où des jours lents des jours sang quand le soleil en cage se dessine en barreaux que les ombres épaissies deviennent palissades jours sans fin jours sans fuite jours hagards et jours lourds. Mais la petite plante en son jardin de planches...
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Châteaux de sable
Enfant, j'ai aimé les châteaux de sable. Passionnément - je veux dire : avec ce mélange d'instinct de possession et d'angoisse qui fait les grandes passions. Acharnée, je creusais, je bâtissais, je fortifiais. Tandis que la mer, lente et vorace, avançait...
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Miss Hokusai
Il y a toujours, derrière les grands artistes qui accèdent à la gloire, des femmes obscures et des enfants délaissés, vies dévouées, effacées ou rebelles - mais toujours sacrifiées, et toujours oubliées. C'est ce que nous rappelle Miss Hokusai, ce dessin...
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Eté aux couleurs du village
Eté sur les joues rouges des doux coquelicots. Eté au duvet blond des avoines mûries. Eté dans le grand ciel lavé des sources bleues. Eté dans le vent fou habillant les draps blancs. Eté sur le clocher frappant d’or le vieux coq. Eté sur l’épi jaune qu’on...
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Printemps
Posé comme un poème inachevé sur "l'aponogéton distique", le vieux nid les avait attendues patiemment tout l'hiver. Car elles rentrent toujours, les poules d'eau du Jardin, au logis des années précédentes . Mars était revenu. On les avait vu s'évertuer...
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Automne
Automne au ventre roux Aux bras de terre brune Automne au regard jaune Aux joues de paille grise Automne aux cheveux blancs De forêt sous le givre Automne aux doigts violets De bourgeons et de fruits Automne aux lèvres oranges De vergers pourrissants...
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A quai
Un quai désert et sombre. Sur l'unique banc de fer, une femme s'assied. Agée, usée, pauvres savates aux pieds, manteau gris pauvreté sur ses épaules maigres. L'air dur, hostile. Elle mâche on ne sait quoi comme on mâcherait un mauvais coup. J'attends...
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Juste avant (version 2)
Il a posé sa tête Sur l'épaule des vagues Attendant que la nuit Tranche son cou brûlant C'est l'instant juste avant La noire cérémonie Qui peint le monde en rouge Et fait rouler le jour Dans la trappe à néant Où les ombres se jettent Comme fumier de cendres...
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Passants
Passants insectes hâtifs et ternes dans les galeries d'ombres de nos villes-lumières passants toujours courant passants toujours fuyant et toujours immobiles tournant comme fuseaux leurs pauvres chrysalides sous le ventre du ciel où le verre de Babel...
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Les murs
Au "pocheur" inconnu qui transforme en décor le ciment de la ville, et fait de nos trajets de lents chemins de ronde. A l'artiste modeste qui pose sur nos murs comme sur des cimaises ses grands cartons pensifs, peints à l'encre des nuits pour les petits...
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Vente aux enchères
Rue Sainte-Catherine il y avait un petit attroupement. Des jeunes femmes, sorties pour fumer d'une boutique voisine. Des camionnettes garées serrées. Des gens qui ralentissaient le pas pour regarder. Quelqu'un a dit : "C'est aujourd'hui, alors ?". Et...
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Canards
Cela amuse toujours, au Jardin des Plantes, ces canards qui vont à la file, au pas de l'oie et à la queue-le-loup, bons moutons de Panurge. Ils ne savent pas où ils vont, mais y vont tous ensemble. Leurs plumes apeurées frémissent au vent qui passe, alors...
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Tranché
Aboli bibelot d'inanité sonore C'était, derrière le rideau de fer d'une de ces boutiques d'antiquaire où s'accumulent les curiosités bizarres et les bibelots dérisoires, un chien presse-livres, double de sa moitié, moitié de son entier, qui embrassait...
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L'homme qui crie (réédition revue)
J'ai photographié l'homme qui crie au château de Blois. Anonyme et obscur, barbouillé de lichens, de mousses et de larmes, érodé de poussière et de pluies, on le remarque à peine parmi les gargouilles du toit. Il se tient si obscur, au-dessus de la grande...