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L'enfant et l'araignée

Publié le par Carole

enfant- araignée version 2.psd
 
De tous les enfants de pierre qui peuplent le Passage, celui-ci est l'un de mes préférés. Peut-être parce qu'il symbolise la Navigation - chaque statue d'enfant est ici une allégorie -, peut-être parce que son visage légèrement incliné, aussi mélancolique qu'indifférent, est particulièrement mystérieux.
Quand j'ai voulu le photographier, cet été, j'ai tout de suite remarqué l'araignée. Elle projetait une ombre très fine, très gracieuse, comme une menace légère sur cette jeune vie. Ce n'est qu'en observant, ensuite, la photo achevée, que j'ai vu, dans une boucle de la chevelure, la deuxième araignée.

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La tête dans les étoiles - août 2011

Publié le par Carole

pommeraye-etoiles-2.jpg
"C'est comme un jeu d'énigmes : assise à côté d'une ancre sur un rouleau de cordages, la Navigation contemple le lointain d'un regard tout à fait blanc, qui va se perdre dans les infinis" (André Pieyre de Mandiargues, Le Passage Pommeraye)
 
L'enfant du Passage, voyageur immobile gouvernant son navire solitaire, avance en des mers inconnues. Sa tête touche aux étoiles et ses yeux obstinément fixés sur l'horizon ont la creuse blancheur des désirs inassouvis. Car au Passage il n'y a que des murs, des miroirs, des grilles, et d'autres enfants tristes et ardents.
Quand j'ai pris cette photo, la boutique aux étoiles venait de fermer, et on installait à sa place un autre commerce.  Contre le mur était déjà posée l'échelle destinée à décrocher les étoiles. Il fallait faire vite pour garder le souvenir de cette double allégorie, construite par l'alliance provisoire de la sculpture et du commerce : l'allégorie de l'enfant-navigateur enfermé, et des étoiles bientôt éteintes lui traçant un chemin de lumière. 
C'était dans les cheveux du même enfant que j'avais découvert l'araignée, un peu plus tôt.

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Autoportrait aux miroirs du Passage

Publié le par Carole

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Aux miroirs du Passage, chacun devient ce qu'il est : multiple, insaisissable.

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Le Navigateur

Publié le par Carole

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  « LE CUISINIER : La terre tourne et derrière l’Isthme fatal qui ferme l’horizon de l’Humanité un autre Océan apparaît.
  CHRISTOPHE COLOMB I : Et comment s’appelle-t-il, celui qui l’a découvert ?
  UN CHORISTE : Il s’appelle Balboa.
  LE CUISINIER : Un autre Océan plus large que le premier.
  CHRISTOPHE COLOMB II : Ah, il ne l’est pas encore assez pour moi !
  CHRISTOPHE COLOMB I : Comment s’appelle-t-il, celui qui l’a découvert ?
  UN AUTRE CHORISTE : Il s’appelle Magellan.
   CHRISTOPHE COLOMB I : Ainsi je n’atteindrai jamais Cipango et ces îles d’or et de neige que je vois là à la portée de ma main ?
  LE CUISINIER : Tu ne les atteindras jamais. » (Paul Claudel, Le Livre de Christophe Colomb)
 
 
     Sur la place du Commerce, devant les épaisses colonnes de la vieille Bourse qui sont comme de grasses cuisses immobiles d’armateurs, Henri Le Navigateur se tient face à la ville. Il est grand, assombri par le temps, l'eau de mer et la mort, solitaire. Les gens qui font la queue devant le cinéma Gaumont s'appuient sur lui, indifférents ; ceux qui entrent et sortent de la Fnac ne le regardent même pas ; les clients du café débordant sur la place ne parlent jamais de lui. Debout sur le pont d'on ne sait quel navire disparu, raidi par l'oubli, il est pourtant l'un des pilotes de cette ville, qui fut un repaire de marins et de négriers, et où souffle encore, certains soirs bleus de lune, le vent salé, tout assoiffé d'or, des grands voyages vers l'impossible.
    Certains affirment qu'il s'appelle en réalité Magellan. D'autres avancent même le nom de Christophe Colomb. 
 
     Et nous sur la Pinta, cherchant où va le monde quand il n'a plus de rives.

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Neptune

Publié le par Carole

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Il court sans cesse par la ville.
C'est lui qui éveille les zéphyrs parmi les princes et les esclaves, au fronton des palais d'armateurs.
C'est lui qui s'empare, blagueur et revanchard, du trident si souvent disparu de la déesse, place Royale.
C'est lui qui joue aux cartes dans l'ombre des bars du port, et lui qui lit la mort dans la paume des gamins ivres.
C'est lui le grand caïman qui jette Echidna dans les rues, et qui attend ses proies, dans les bouges de la Fosse.
C'est lui qui nous verse des cordes d'eau grise, chaque jour que Dieu fait sans soleil.
C'est lui, quand la marée descend, là-bas sur l'estuaire, qui tire les nuages comme un rideau mousseux sur le ciel nettoyé.
C'est lui qui agite la tempête sur les trois voiles du blason de la ville, c'est lui qui ouvre à coups de hache le flanc des barges emplies de condamnés.
C'est lui qui pleure et c’est lui qui console les noyés, c'est lui qui referme leurs yeux, à grain de sel et de sable de Loire, afin qu'ils nous pardonnent.
C'est lui qu’épie sur la butte Sainte-Anne le capitaine Nemo armé de son sextant. 
Rasant l'écume à vol de mouette, il niche comme un moineau des villes au creux des vieux murs de négriers. 
Marin en goguette et féroce pirate, est-il Ariel ou Prospero ?
Il est le capitaine à quai de cette ville - navire encalminé qui se languit du large.

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La tour

Publié le par Carole

l'échafaudage-copie-1
Ile de Nantes - janvier 2012 
 
Car toute ville tient de Babel.

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En passant

Publié le par Carole

la nef des ombres.psd
 
 
Je viens d'ailleurs.
D'un lieu où chaque pas me renvoyait à moi-même, à mes aïeux, à mes souvenirs pesant comme des taies sur mon regard.
Ici, dans cette ville - que par facilité j'appelle Nantes - qui est peu à peu devenue pour moi la Ville, je n'ai pas de morts enterrés, pas d'enfance, pas de parents.
J'y avance sans chaînes, sans mémoire, sans certitudes et sans parcours tracés, les yeux ouverts et aux aguets, comme on doit aujourd'hui avancer dans les villes.
Un jour, il faudra bien que je parte, sans me retourner.
 
En attendant, j'essaie seulement d'être là, d'être là dans la ville comme je suis au monde, juste un instant, par hasard, en passant, avant de disparaître.

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Madame de

Publié le par Carole

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Reproduction, punaisée au mur d'une salle de classe, du tableau d'Ingres, "Madame de Senonnes", appartenant aux collections du musée des Beaux-Arts de Nantes -
 
"Je crains de lui parler la nuit,
J'écoute trop tout ce qu'il dit...
Il me dit : je vous aime, et  je sens malgré moi,
Je sens mon coeur qui bat, qui bat,
Je ne sais pas pourquoi."
(La Dame de pique,Tchaïkovski)
 
 
Elle nous regarde et elle nous tend ses mains baguées, elle éblouit de sa beauté de femme riche. Le peintre lui a taillé, dans le velours pourpre de l'éternité, l'une de ces robes exquises de plis et de reflets qu'inventent les couturiers amoureux des corps qu'ils ont rêvés, et dont ils revêtent les femmes dont ils ne rêvent pas, mais qui paient leurs factures. Elle sourit, séduisante, assurée. Odalisque tranquille en habit de velours, dormeuse de Naples aux yeux ouverts. Une femme au miroir, qui s'aime et se sourit, une femme très belle, qui luit comme une perle, flamboie comme un rubis, dans l'écrin rougeoyant de son altière insouciance.
 
Mais nous, dans le miroir sombre et profond où elle ne se voit pas, nous la voyons. Et dans ce miroir encadré de bois précieux, qui ouvre un second portrait dans le portrait, celle que nous voyons, c'est l'autre. Celle qu’elle aurait préféré cacher aux regards, mais que le peintre impitoyable a plaquée sur la toile sans qu’elle puisse s’enfuir. Une femme sans bagues, une femme sans nom, une femme dans l'ombre, dont la nuque lasse déjà s'incline, dont les cheveux se fanent et se ternissent, une femme égarée aux confins des reflets, qui bientôt sortira du miroir, une femme qui s'en va.
 
Elle me fait penser à Madame de…, l’héroïne du film de Max Ophüls, papillon de bijoux insouciant, éperdu dans le brillant envol des diamants et des perles, qui s'en va se heurter, tournoyant, à tous les reflets de sa vie, dans les miroirs partout tendus – comme des toiles.
 
Et sur ce mur de classe, les rangées de punaises sont comme de petits insectes luisants, l'ombre sous le papier qui ondule semble ramper vers on ne sait quoi. On croirait voir une carte à jouer - une carte qu'on pourrait renverser - d'où surgirait la dame de pique, sous la dame de coeur.

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Le balcon - Cathédrale

Publié le par Carole

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Au balcon du grand orgue se tiennent les gardiens de bois. Taillés sans doute, comme les stradivarius, dans le tronc d'arbres sciés en hiver, par des nuits claires dont ils ont retenu la lumière. Quand la musique monte dans les tuyaux de métal, ils penchent leurs vieux fronts pour qu'elle y glisse et s'y réchauffe, avant de descendre vers nous. Depuis des siècles et des siècles.
Du premier organiste de la cathédrale de Nantes, on n'a retenu que le prénom, il s'appelait Johannes. Ensuite vinrent :
Pierre Priou, Guillaume Ruaux, Maurice Charrier, Etienne Pine, Thomas Des Landes, Etienne Libourne, Jehan Tourteau, Pierre Rivière, Michel Cerisier, Jacques Dominel, André Bouvier, Charles de la Verdure, Robert Denain, Charles Pillet, Gabriel Lepaige, François Néron, René Néron, Julien Louin, Jean Loiseau, Yves Lemarié, Denis Boucherie, Jacques Collesse, Mathieu Desforaz, Jean-Christophe Walther, Denis Joubert, Aimée Goutel, François Benoist, Nicolas Minard, André Minard, Ernest Legrand, Albert Bélédin, Marcel Courtonne, Félix Moreau, Michel Bourcier, Gabriel Niel, Marie-Thérèse Jehan.
Une foule. Un peuple. Je sais que j'en oublie, et qu'on a oublié de noter le nom des souffleurs, des dizaines de valets qui ont alimenté les soufflets de leur force et de leur ferveur. Mais je sais aussi que l'orgue, lui, n'a oublié aucun d'eux. Et leurs voix tremblent encore, là-haut, dans les lèvres entrouvertes des gardiens de bois, au balcon.
J'ai vu Félix Moreau, très âgé, promener sur le pédalier et sur les cinq étages du clavier ses pieds et ses mains minuscules, fabuleusement agiles, prodigieusement humains.
Je l'ai entendu raconter avec beaucoup d'admiration et une immense envie la mort de Louis Vierne, l'organiste aveugle de Notre-Dame de Paris qui se coucha sur son instrument pour son dernier récital - tomba-t-il sur le clavier du récit ou sur celui de l'écho ? je ne sais, mais ce fut, je le reconnus dans la voix fascinée de Félix Moreau, comme un très long soupir des vieux tuyaux, un accord qu'on n'avait jamais entendu et qu'on n'entendra jamais plus, aussi dissonant que parfait.
 
L'un des jeux du grand orgue s'appelle la voix humaine.
Sur l'orgue de la cathédrale de Nantes, ce jeu est l'un des plus beaux.

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L'escalier

Publié le par Carole

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C'est par cet escalier qu'on entre dans l'île de Versailles, vouée aux illusions.
On monte lentement les marches de fer, s'arrêtant aux paliers pour regarder le ciel - et ce qu'on laisse aussi. Et puis on redescend. Mais on ne quitte pas le rêve commencé, sur cette île d'Orient où flottent comme au ciel des reflets trempés de soleil, des arbres à taille de nuages, et de gros cailloux ronds semés en cercles d'astres.

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