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fables

Concert

Publié le par Carole

 

 
Hier soir, nous étions au concert. Chez nous, à Carquefou, à l'auditorium des Renaudières.
Je connaissais déjà Anne Réjiba au violoncelle. J'ai découvert Chara Iacovidou au piano. J'ignorais que nous avions à Nantes des pianistes de ce niveau.
 
C'était si beau, si brûlant de passion, qu'il m'a semblé que l'âme de Brahms était vraiment revenue, là, près de nous, avec nous, sur la scène, dans la salle - dans l'élan tout vivant de la musique.
Et pourquoi pas ? Interpréter, c'est peut-être cela : non pas s'effacer devant celui qu'on joue, mais arracher de soi, de tout son art et de tout son être, la force qui doit l'incarner.
 
Alors, le vieux fantôme qui se penche sur l'épaule du musicien, qui lui bat la mesure, et qui guide sa main,
chacun de ceux qui l'écoutent sent battre en lui son coeur ardent
de vivant.
 
 

Publié dans Fables, Nantes

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Grenouille

Publié le par Carole

Grenouille

grenouille de l'automne

grenouille feuille brune

 

grenouille aux yeux tout ronds

comme gouttes d'eau blonde

 

grenouille de l'étang

grenouille au  coeur battant

 

grenouille aux mains d'enfant

grenouille au bord du temps

 

grenouille avant le saut

 

friselis de ruisseau
 
grenouille toute nue
grenouille disparue

 

clapotis de l'eau noire

se fermant sur le soir

.

 

 

Publié dans Fables

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Colchique - version 2 (réédition)

Publié le par Carole

Colchique - version 2 (réédition)
 
 Le vent froisse en rêvant 
Ses bouquets de septembre
Où grandit comme l'ombre
Le colchique aux yeux tendres
 
Des arbres goutte à goutte 
Tombe l'or
Dans la boue
 
Automne compagnon
De nos jours qui s'en vont
Tes fleurs font sous nos pas de grands chemins de ronde
Et des brassées de fruits pourrissent dans nos vies
Qui longtemps dédaignèrent de vendanger la joie
 
Tant de mains chargées d'or
N'ont semé que l'oubli
Qui donc cogne à la porte haletant comme un coeur
 
Un oiseau tourne au ciel c'est une page
blanche
Qu'emporte le soir gris
 
Colchique ton poison c'est notre nostalgie
 

Publié dans Fables

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Automne pas à pas

Publié le par Carole

 

Tout au bout de l'été

pluie lente sur la ville.

 

Soudain ces feuilles comme un gué

dans les flaques d'eau grise,

pavés d'or frais battu

sous de lourdes semelles.

 

Il s'en va devant nous,

les bras chargés d'or roux

et les pieds dans la boue,

 

il s'en va si tranquille,

comme un prince inconnu,

comme un arbre sans hâte.

 

L'automne 

 

pas à pas.

 

 

Publié dans Fables

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Baudelaire dans la rue

Publié le par Carole

Baudelaire dans la rue

C'est toujours étonnant, ces gens qui utilisent les murs comme des pages blanches pour y noter absurdement des mots qu'on efface aussitôt.

Mais c'est la ville, au fond, qui veut cela. La ville qui ne fait jamais silence et exige de nous tous des mots, des mots, des mots pour faire taire le fracas et pour remplir le vide. Des mots pour exister, et des mots à faire exister, quand on n'est qu'un passant aussitôt englouti par la foule. Des mots que la ville suscite et que la ville efface, jetés comme des affiches à arracher, sur tous ces murs qui nous enserrent.

 

 

Je traversais la rue dans le grondement des moteurs et le fracas hâtif des destinées précaires.

Et soudain il a été là, devant moi, comme une apparition, ce vers cacophonique et magnifique, affiché sur un mur par un passant enfui, ce vers si absolument parfait dans son roulement de r, qu'il me semble toujours que toute la laideur du monde se fige en lui comme en un diamant hérissé et glacé, dans l'attente de la beauté qui doit passer enfin - et disparaître aussitôt.

 

La rue assourdissante autour de moi hurlait

 

La rue assourdissante hurlait, oui, elle hurlait encore, elle hurlait toujours, elle grondait, klaxonnait et crissait. Peut-être même n'avait-elle jamais connu plus grand vacarme, plus imbécile tintamarre, plus absurde chaos.

 

Et pourtant...

qu'un inconnu de nos rues d'aujourd'hui inscrive sur un mur de la ville, comme ça, juste en passant, un vers de Baudelaire, je ne sais pas ce que vous en pensez, vous, mais pour moi, cela suffit à donner sens à tout.

A la ville si laide, au crissement des pneus, à la ruée des moteurs, à la rumeur des foules, aux murs couverts de tags, à tous ces mots absurdes que nous jetons partout comme des cris - et qui parfois - une ou deux fois par siècle, peut-être, par la voix d'un poète, se mettent enfin, et pour toujours, à exister.

 

Une forme de réversibilité, peut-être.

 

 

Publié dans Fables

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Des pas sur le sable

Publié le par Carole

 

Trace qui n'a de poids que celui de nos ombres.
Sur le sable égrené au fléau des marées
sur le sable fuyant que sillonne le vent
trace nue du pas nu d'un déjà en allé.
Trace poussière d'instants
un à un reversés
dans
le
flacon
du temps
que retourne le vent.
Trace que tout efface. Trace de vie qui va
comme elle danserait grain de sable envolé
pour se semer encore en chacun de nos pas.
 
Trace d'humanité posée comme un chemin au fond du sablier.
 
 

Publié dans Fables

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Plage

Publié le par Carole

Plage
Une plage, c'est un morceau du monde. C'est un monde. Il y a les familles chargées de sacs et de jouets, et les femmes seules aux seins nus, les enfants bâtissant des chimères aux airs de forteresse, et ceux qui veulent apprendre à combattre les vagues. Il y a ceux qui lisent, il y a ceux qui dorment. Ceux qui parlent et ceux qui écoutent. Ceux qui marchent et ceux qui attendent. Ceux qui rougissent et ceux qui sont déjà si hâlés qu'on ne sait plus ce qu'ils viennent encore demander au soleil. Ceux qui vendent et ceux qui achètent. Et même ceux qui volent au-dessus des autres, dans des petits avions agitant des banderoles publicitaires.
 
Cet après-midi-là il y avait aussi l'homme à la canne. 
Il était venu seul, traînant sa chaise, s'appuyant sur sa canne. Et il s'était assis face à la mer qui montait lentement, regardant, là-bas, les bateaux, les nageurs, l'horizon et les îles. Regardant devant lui les vagues lentes et obstinées qui montaient avec la marée et redescendraient avec elles.
Il est resté là longtemps, très longtemps, à contempler la mer. Un vieil homme habillé de bleu face au bleu du lointain, sa canne accrochée comme une ancre dans le sable si fin qui s'envolait au vent. Sans parler, sans dormir, sans bâtir et sans lire. Sur le fil d'écume du rivage. A regarder la mer monter. A regarder la mer descendre. A scruter l'horizon pour y trouver son île, ou bien le clair bateau qui mène tout là-bas, où vont un jour les vieux appuyés sur des cannes qui regardent la mer.
 
Une plage est un monde. Le monde est une plage. Le monde est un rivage surpeuplé où nous ancrons nos vies dans le sable qui fuit. Mais si peu ont la force de contempler la mer, rien que la mer,  sans détourner les yeux.
 
 

Publié dans Fables

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Après la pluie

Publié le par Carole

Après la pluie
Rousse comme une fleur
dressée sur sa tige luisante 
elle buvait à gorgées lentes
au coeur d'une autre fleur
la vie.
 
La vie tout l'élan de la vie
dans mon jardin après la pluie
cette limace rousse
cueillant comme une fleur
sa vie.
 
 

Publié dans Fables

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Les pauvres mécènes

Publié le par Carole

Nantes - Chapelle de l'Oratoire - décor d'exposition

Nantes - Chapelle de l'Oratoire - décor d'exposition

 
Oh, he jumped up high
 
 
Dans un journal espagnol (pourquoi donc espagnol ?), j'ai lu hier un très beau texte, l'hommage d'Olivier Bourdeaut à son frère Xavier, "le mécène le plus pauvre de France", celui qui l'a hébergé quand il n'avait plus où aller, celui qui l'a guidé quand il ne savait plus vers quoi aller.
Il y raconte comment son frère partait le matin travailler jusqu'au soir, dans sa salopette de plombier, l'invitant, lui l'écrivain qui n'était encore qu'un "raté", à mener lui aussi à sa table sa dure journée de plombier, remuant et filtrant les eaux troubles de l'imagination, serrant et desserrant les rires et les sanglots de l'écriture, jusqu'à mettre le dernier tour de clé à son roman enfin serti - ce n'était pas encore le délicat En attendant Bojangles, mais c'en était au moins la promesse.
 
Ce sont là les vrais mécènes, en effet, tous ces pauvres mécènes anonymes, qui par la patience et l'amour font éclore tous les noms qu'on célèbre.
Les servantes impayées des maîtres et leurs mères effacées, les frères nourriciers et les compagnes sacrifiées, anges de la page blanche et de la toile vierge, veillant indéfectiblement sur ceux qui ne savent pas encore ce qu'ils sont, pour que naissent enfin d'eux ces romans et ces tableaux, ces chansons, ces poèmes, qui doivent exister et qu'ils ont entrevus, dans leur rêve naïf, les premiers.
Ce sont les vrais mécènes. 
Si humbles qu'ils ne sauraient sans doute eux-mêmes devenir des artistes, ils ont pourtant en eux l'obstination des Bojangles, l'espérance des anges, cette confiance que rien ne lasse et que rien ne détourne, qui fait les créateurs.
Je crois qu'ils sont des créateurs.
Et, finalement, d'une certaine façon, si... : ils sont eux aussi des artistes.
 
 
 
 

Publié dans Fables, Lire et écrire

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Le goéland

Publié le par Carole

Le goéland
C'était un goéland blessé qui arpentait la plage.
Tranquille.
Sans un cri sans un gémissement, sans paraître souffrir.
Portant son aile en bandoulière, allait de long en large.
Simplement étonné de ne plus s'envoler, allait et revenait d'un pas lent de guetteur, scrutant les vagues au loin sans remarquer la mort qui glissait dans son ombre.
La foule le regardait, indifférente, préférant s'amuser.
Et lui, tranquille, ne semblait pas comprendre qu'il s'en allait mourir.
Marchait de long en large, continuait son chemin, emportant sa blessure.
Une tache de sang grandissait sur son flanc, qui demain dormirait sur la laisse de mer. Mais qu'aurait-il pu voir, occupé qu'il était à poursuivre sa marche ?
 

Publié dans Fables

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