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Les échafaudages de la cathédrale

Publié le par Carole Chollet-Buisson

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On a dressé un nouvel échafaudage contre le mur de la cathédrale. Cela m'a vraiment fait plaisir... Car, voyez-vous, c'est si étrange à dire, peut-être ne me comprendrez-vous pas... : comme tout le monde j'admire le travail des tailleurs de pierre, lorsqu'il apparaît au grand jour, et pourtant... pourtant elle me plaît davantage, la vieille cathédrale, dans ses atours de chantier, soutenue de ces tours de métal, de ces balustrades de bois, de ces voiles de plastique, de ces contreforts d'escaliers et de passerelles dont on avait cru bon, pour quelques mois, de la débarrasser.

Il y a dix ans, quinze ans, cent ans, deux cents ans , cinq cents ans, mille ans peut-être - plus personne ne sait - que la cathédrale est habillée d'échafaudages. Il ne peut pas en être autrement.

On la restaure, on la retape, on la recrée sans fin, bergère usée que la guerre amputa, qu'un incendie défigura et que chaque jour ride de crasse et de mousses. Par pans tout blancs et dentelés, elle montre parfois son charmant minois refait à neuf, et l'on repose l'échafaudage un peu plus loin, car il reste encore bien du travail - dix ans, quinze ans, cent ans, mille ans - personne ne sait plus ce que les journaux avaient annoncé -. Mais j'ai confiance, j'espère, - non, je sais que la cathédrale sera toujours ainsi, en travaux, en chantier, qu'on ne la dépouillera jamais tout à fait de ses échafaudages.

Comme la Sagrada Familia de Gaudi, fidèle à l'espérance placée dans ces plans médiévaux que les maîtres d'oeuvre ne concevaient que pour les transmettre à d'autres maîtres d'oeuvre, c'est ainsi qu'elle doit nous apparaître : en travaux, en devenir, à jamais inachevée, absurde et lente, soutenue de projets et de tiges, légère comme une flamme sous l'armature de fer, forte comme un arbre planté dans la terre, et grimpant vers le ciel sur l'échelle des hommes - semblable à la foi des enfants, à l'élan des artistes. Comme toute oeuvre véritable - work in progress. 

Publié dans Nantes

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Derrière la porte

Publié le par Carole

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On a, parfois, l'impression, que le mystère est là tout près, qu'il nous a invités, qu'il nous attend derrière la porte. 
Il suffirait de passer le seuil. Peu à peu nos yeux s'accoutumeraient à l'obscurité.
Il serait là, souriant de notre étonnement. Il serait calme et familier, hospitalier, et si discret aussi.
Il nous dirait d'entrer, de faire chez lui comme chez nous.
Ce serait simple comme un rêve. Il serait l'ami trop longtemps oublié, et enfin retrouvé, l'ami d'enfance, et il nous parlerait avec les mots d'avant, ceux qui disent les choses sans oublier leur ombre. Nous l'écouterions murmurer ses secrets, et ce serait simplement comme si tout pouvait recommencer, derrière la porte que parfois la réalité nous entrouvre, et qui mène derrière les miroirs, pas très loin, juste de l'autre côté.

Publié dans Fables

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A cinq heures

Publié le par Carole

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Paul Valéry refusait de commencer ainsi, de façon parfaitement aléatoire, ce qu'on aurait ensuite appelé un roman : "La marquise sortit à cinq heures..." Car n'importe quel monde aurait pu après ces mots se construire, sans autre ordre ni raison que le caprice inconsistant de l'écrivain. N'importe quel monde, où aurait pris forme sans nécessité n'importe quelle marquise, allant d'un pas alerte ou vieillissant dans le grand monde ou dans le demi monde. 
Pourtant, la vie écrit-elle autrement l'histoire des marquises, et des autres ?
 
Ainsi, voilà qu'il était cinq heures ce soir-là devant l'église Saint-Nicolas et que l'absurde écrivain qui avait disposé la scène, plus capricieux qu'aucun romancier balzacien, non seulement avait choisi au hasard les personnages, mais n'avait placé aucun d'eux dans le même roman, au même endroit, dans le même monde...
Pourquoi, du reste, dit-on toujours le monde ? alors qu'il n'y a que des mondes, tant de mondes, qui n'existent que dans l'emboîtement infini de leurs reflets et de tous leurs possibles.
 
Il était cinq heures ce soir-là devant l'église Saint-Nicolas. Dans le monde du café du Passage un homme lisait une revue, des amis bavardaient. Dans le monde parallèle de la place Fournier, au débouché de la rue Saint-Nicolas, des passants passaient, des voitures attendaient, des boutiques s'offraient, une marquise peut-être sortait en hâte d'un immeuble voisin. Et, là-haut, du côté de ce qu'on appelle l'autre monde, tous les saints de l'église priaient sans fin pour tous. Il était cinq heures au café, l'éternité au portail de Saint-Nicolas, et, dans la rue, l'heure de tous les passages et de tous les reflets.
 
Nous ne venons au monde qu'afin d'en sortir aussitôt, nous ne sommes au monde que pour n'y être pas, nous sommes de ce monde faute d'être d'un autre. Il n'y a que des mondes, je vous dis, tant de mondes, où se pose un instant notre image qui passe. Tant de mondes, et dans ces mondes tant de romans de nos vies, sans autre raison d'être ici ou là, à cette heure ou une autre, que le caprice mystérieux d'un obscur écrivain qui pour toujours dédaigne de s'expliquer à nous.

Publié dans Fables

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Gargouilles

Publié le par Carole

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La vieille église s'était enracinée pendant des siècles dans le sol du village accroupi sur son ombre, avec ses morts et ses vivants, ses tempêtes oubliées et ses promesses en fleurs, et tous ses grands jardins pleins de cailloux osseux et de fruits mûrissants.
Et la gargouille devenue branche aux feuillages du ciel, le monstre au cri béant de bouquets et d'oiseaux, à la gueule noircie de pluies battantes et de nids, nous disait, tout là-haut, que douleur et violence se domptent peu à peu, et lentement s'érodent, et se couvrent de mousse, et s'apaisent de feuilles, et puis s'unissent enfin, sur l'écorce du temps, au grand arbre du monde, qui pousse sa mâture sur les terres d'Harmonie.

Publié dans Fables

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Mouettes criardes

Publié le par Carole

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Je traversais l'île Gloriette, un livre sous le bras, rentrant de la bibliothèque Jacques Demy. Soudain j'ai été tirée de mes réflexions par un vacarme aigu. Un groupe de mouettes se disputait avec rage un morceau de pizza. Le morceau volait de bec en bec, fiévreusement agité, se brisant peu à peu en miettes. Mais les mouettes criaient et se bousculaient de plus belle : elles luttaient avec tant de vigueur pour s'approprier le morceau contesté qu'à mesure qu'il s'amenuisait, il leur semblait plus désirable. Celle qui vaincrait, fatiguée, blessée peut-être, en aurait tout à l'heure à peine une becquée, minuscule et souillée de poussière... pourtant, échappée aux autres et arrachée de haute lutte, cette infime becquée lui paraîtrait le plus délicieux des festins... 
J'ai poursuivi ma route, lasse de cette bagarre aussi piaillante qu'absurde et trop humaine, et j'ai vu le pigeon...
 
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Il se tenait silencieux, solitaire et prudent, indifférent aux mouettes qu'on n'entendait plus guère dans ce recoin éloigné du parking.
Près du paquet ouvert, il lorgnait une part restée intacte de la pizza, sans doute tombée au sol dès le début de la bagarre. C'était, ma foi, un beau morceau de bonne taille, et joliment garni - une pièce de choix pour un sage pigeon... Il avançait sans se hâter. Son repas n'aurait pas, à coup sûr, la saveur de celui qu'emporterait là-bas la dernière mouette, mais, du moins, il serait copieux et tranquille.
 
- La morale de cette histoire ?
- Il y en a, je crois, plus d'une... et c'est à vous à y réfléchir.
Voici la mienne, qui peut-être ne sera pas la vôtre :
 
Nous ne désirons bien souvent que ce qu'autrui désire, dédaignant, pour l'ombre de tant de proies dérisoires et qui nous échappent à jamais, les richesses oubliées qui sont à notre portée. Méprisant cette part que nous pourrions sans peine faire nôtre et savourer, mais à laquelle manqueront toujours le trouble arôme de l'envie et le piquant de la conquête. 
Si nous pouvions, hélas ! comme l'heureux pigeon, nous en tenir aux paisibles conseils de notre raison et de notre appétit, depuis longtemps nous serions devenus des sages - juste un peu gras peut-être. 
 Mais nous ne sommes, hélas ! que de pauvres mouettes criardes...

Publié dans Fables

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Vita in motu

Publié le par Carole

réédition revue

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Cadran solaire posé sur le sable - 2012 - Parc de la Beaujoire.
 
 
Alors que je photographiais le cadran solaire, dans le parc désert, par un jour gris d'automne où l'ombre trempée de pluie ne dessinait sur la pierre que l'heure unique de la nostalgie, un très vieil homme qui passait est venu me parler.
"Un beau parc, hein ? et un beau cadran solaire... Quand on est arrivés ici, y avait rien. On est là depuis 56. Rue Millau... on a fait construire en 55 !"
Il était seul mais disait "on" comme font ceux dont le couple a si longtemps vécu qu'ils ne peuvent plus se penser ni se désigner seuls.
"Rien du tout. Y avait rien. 
Rien... et maintenant ! c'est beau... c'est si beau ..." Son bras balayait l'air bruineux, les arbres défeuillés, les tiges tronquées des rosiers et les chemins boueux, bien loin, jusqu'à des printemps bleus d'iris, des étés de roses suaves, des saisons de jeunesse qu'il voyait, là-bas, encore vivaces, immenses et débordantes.
"Oui, on est arrivés ici en 56..." Un petit chien que je n'avais pas aperçu courait autour de nous, joueur.
Le vieil homme m'a saluée, et je l'ai regardé s'en aller, silhouette voûtée noire et lente qui s'effaçait de brume, près du petit chien blanc.

Publié dans Nantes

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Où allons-nous ?

Publié le par Carole

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      "D'où venons-nous ? qui sommes-nous ? où allons-nous ?" (Paul Gauguin)
 
 
Où allons-nous ? Nous allons vers demain, qui s'en va vers plus tard, qui s'en va pour jamais.
Où allons-nous ? Nous allons vers l'oubli, qui s'en va vers tant d'ombres, où aujourd'hui n'est pas.
Où allons-nous ? Nous allons vers l'automne, qui descend vers l'hiver son grand rideau de pluies.
Où allons-nous ? Nous allons vers le jour, qui fera le printemps, tout semé de soleils ventrus comme toupies.
Où allons-nous ? Nous allons vers l'été, qui rougira de roses, et lèvera ses blés comme drapeaux au vent.
Où allons-nous ? Nous allons vers la nuit, qui fermera nos yeux avec son éteignoir d'étoiles en diamant.
 
Que voulez-vous savoir ? Ainsi s'en va la vie, qui ne sait où elle va, qui ne sait d'où elle vient, qui fait sur le chemin sa grande roue de pétales aussitôt dispersés, et ne sait pas pourquoi.

 

Publié dans Fables

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Cinq notes

Publié le par Carole

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- Rue de Feltre - 8 mars 2012 -
 
Le 8 mars, j'avais écrit ce petit texte, que j'avais intitulé "Quatre notes" (http://carole.chollet.over-blog.com/article-quatre-notes-101196393.html) :
 
 
"En remontant cet après-midi la rue de Feltre, j'avais le coeur léger. J'ai vu ces quatre notes ailées.
Vertes comme le mois de mars que célébraient les vitrines, ondulant sous le vent comme des voiles au loin, quatre doubles croches avaient posé soudain, dans le vacarme de la ville, la légère harmonie de leur rythme rapide, quatre petits drapeaux avaient planté, dans le fracas d'une rue commerçante, leur fragile désir de beauté.
Quatre coups de timbales au sacre du printemps.
Quatre coups de baguettes sur le tambour d'un dieu.
Quatre brins de fougères dans la forêt du jour.
Quatre graines germées dans le champ de l'espoir.
Quatre petites caravelles avançant de conserve en quête d'un nouveau monde.
Quatre notes échappées des grilles de la portée,  qui avaient décidé d'aller dans l'autre sens.
On nettoiera bientôt ces graffitis, ou bien la pluie les lavera, le soleil les éteindra : c'est dans l'ordre et beaucoup s'en réjouiront.
Pourtant, il est bon de sentir qu'il suffit de si peu...
Qu'un enfant malicieux, qu'un étudiant rieur, chef d'orchestre de nos rêves enfouis, s'amuse à dessiner, avec un pochoir de carton, sur un mur terne, quelques notes colorées,
et aussitôt quelque chose en nous se met à chanter."
 
 
Puis j'avais cessé d'y penser... Et voilà qu'aujourd'hui j'ai vu que mes quatre notes étaient cinq maintenant à danser comme des feuilles sous la pluie d'octobre :
 
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- Rue de Feltre, 19 octobre 2012 -
 
Cinq faînes envolées qui voguaient à tribord, cinq brindilles au vent qui s'égouttaient aux branches de la ville d'automne.
Et cette note neuve, toute jeune, encore frêle, cette petite cinquième qui était venue rebondir un peu trop bas, goutte de pluie trop bleue sur le pan de mur gris, cette note nouvelle, maladroite, rompant l'ordre de la portée, si décevante d'abord au milieu des autres, il m'a semblé qu'elle était finalement bien à sa place dans la mélodie. Il m'a même semblé qu'elle était, là, parmi ses soeurs ailées, comme le jeune élan volubile de la fantaisie - cette fleur née de rien qui s'enracine en tout, cette flammèche d'espérance, ce petit caillou rond jeté sans y penser sur le trottoir boueux, et qui sème, sans s'en soucier, un regard, une perle, un bijou de printemps, ou un bout de chanson, dans la foule qui va, dans l'hiver qui s'en vient.

Publié dans Nantes

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Voyons voir

Publié le par Carole

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"Voyons voir"... j'ai lu cela rue Belle-Image... et j'ai pensé : "Que voilà une expression qui me plaît !... voyons voir... voyons voir pourquoi..."
Il y a tant dans ce redoublement du verbe, dans ce bégaiement des mots qui tournent sur eux-mêmes et se regardent voir... la lenteur de celui qui réfléchit, qui va son petit bonhomme de chemin, la curiosité calme du passant qui fait tout doucement son parcours de vivant, en ouvrant bien les yeux, sans se presser... oui, on le voit - voyons voir... - ajuster ses lunettes, mettre ses mains en visière, s'approcher, tourner autour, passer devant, et puis derrière, s'éloigner, revenir, étudier, chercher l'angle juste, le pli profond ou l'étrange recoin.
Voyons voir... car il est si important de voir, et de savoir voir, en ce monde éphémère et tout bruissant d'images, de belles et de laides images, de plates et fortes images, et de tant de passages... alors on le dit deux fois plutôt qu'une, on laisse un peu traîner les mots, voyons voir... et tout en parlant on se penche pour observer les dessus, les dessous, les à côtés, les petits riens, les ombres et les bosses, les coins de lumière et les parties rouillées, toutes les faces de la chose ou de l'idée qu'on a ramassée, recueillie ou cherchée dans ce grand fouillis, et qu'on soupèse et qu'on palpe, et qu'on essaie, qu'on réessaie... voyons voir... 
Voyons voir... et qui sait si nous ne verrons pas au bout du compte tout à fait autre chose que ce que nous avions d'abord cru voir ?... voyons voir... qui sait ce que nous réserve le monde, quand nous venons à lui d'un pas tranquille, quand nous nous approchons, que nous lui sourions, que nous faisons route lente avec lui, sans admiration, sans dégoût, sans effroi, juste comme ça, pour le plaisir, et que nous prononçons sans hâte, dans cet impératif qui ne donne pas d'ordre, mais rien qu'un peu d'élan, un conseil brave d'amitié,  - ou qui peut-être est simplement une question qui s'ouvre :  " Voyons voir... " ?

Publié dans Nantes

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La page blanche

Publié le par Carole

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(capture d'écran - de piètre qualité - des pages 62 et 63 de la version numérisée du manuscrit de la Cité de Dieu - à retrouver en suivant ce lien : http://www1.arkhenum.fr/images/bm_nantes_ms/images/oeb/ms181/ )
 
 
    Le manuscrit du XVe siècle, relié de velours rouge, tout semé d'or, bruissant de fleurs délicates, de bêtes allégoriques et de remparts dentelés, qui veille ici, dans une chambre forte de la bibliothèque municipale, n'est pas seulement l'un des plus beaux ouvrages enluminés du XVe siècle, il est aussi l'un des plus mystérieux. Il contient en effet un secret : l’une des pages, la soixante-deuxième, est vide.
    Sur le parchemin transparaissent le texte et l'enluminure de la page précédente, et dans cette transparence s'annonce la splendeur colorée de la page suivante. Mais, au milieu de tout ce plein, la page 62 reste, elle, obstinément vide. C'est étrange, voyez-vous, car ces ouvrages anciens fuient par dessus tout le "blanc", et remplissent de mots et d'images tous les espaces. Les erreurs mêmes sont rebrodées et couvertes d'or fin, sur la tapisserie savante que trace chaque page, et toute brisure et tout silence se comblent de beauté, dans le travail patient des moines qui donnent à lire le monde dans tout son ordre et sa délicate harmonie.
    Ainsi, ce vide surprenant de la page 62, cet espace silencieux laissé dans la Cité de Dieu, nous ne pouvons guère le comprendre que comme une décision des copistes de l'atelier - décision prise après une erreur peut-être, mais décision tout de même et choix délibéré.
    Peut-être ont-ils voulu nous dire qu'il faut, pour que le monde soit vraiment parfait et divin, un petit pan d'incompréhensible imperfection et de parchemin rêche - comme il faut des gargouilles à la plus belle cathédrale. Ou bien peut-être, au contraire, en abandonnant cette page à sa rudesse de peau de bête, et notre esprit inquiet à ses interrogations humaines et sans réponses, ont-ils voulu imiter ces sculpteurs qui laissent dans les temples les plus raffinés un rang de pierre mal ébauchée pour que les hommes sachent que jamais leur ouvrage n'égalera celui de l'unique Créateur.
     Je ne sais pas...
   Mais je crois, je crois vraiment, que tous les livres devraient être semblables à ce manuscrit : bruissants et colorés en apparence, splendides et riches de leurs paroles accumulées, et pourtant renfermés au-dedans sur leur secret - sur cette page blanche au milieu des autres, cette page oubliée dans son coin de silence, pleine de mots qu'on ne voit pas, mais qui se tiennent prêts dans l'ombre à surgir bien plus tard avec leurs brassées de questions - comme un jardin d'hiver où les fleurs et les bêtes blanches, couchés dans leurs linceuls de brume, tracent d'un frisson d'aile les chemins inconnus des mondes à venir.

Publié dans Nantes

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