Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Soir jaune

Publié le par Carole

Soir jaune
Hier soir il y avait dans le ciel de chez nous une étrange lueur jaune.
Quelque chose de crépusculaire et d'épais, lumière et ombre enlacées dans le jaune d'un étrange baiser où le monde paraissait se suspendre.
Un bain d'automne où tout n'était que feuilles mortes et poussière d'horizon.
Cela a duré longtemps. Bien plus qu'un coucher de soleil. Une heure, deux heures peut-être.
 
Il paraît que c'était, au large de nos côtes, la trouble queue dragonne de cette terrible tempête Ophélia, en route maintenant vers le Nord de l'Europe, après s'être trempée dans le sable du Sahara, puis roulée dans le feu des incendies du Portugal.
 
Grains de malheur et pluies de cendres
Eclairant notre paix de leur long sourire jaune,
Pour que nous le sachions, dans ce lent crépuscule
que le malheur des uns pourrait bien être nôtre.
 
 
Les humains sont d'ici et de là,
mais le vent
 
le vent est de partout
et la Terre est la même toupie
sous les pas de tous ceux
qui tournent dans le vent.
 

 

Publié dans Nantes, Divers

Partager cet article

Concert

Publié le par Carole

 

 
Hier soir, nous étions au concert. Chez nous, à Carquefou, à l'auditorium des Renaudières.
Je connaissais déjà Anne Réjiba au violoncelle. J'ai découvert Chara Iacovidou au piano. J'ignorais que nous avions à Nantes des pianistes de ce niveau.
 
C'était si beau, si brûlant de passion, qu'il m'a semblé que l'âme de Brahms était vraiment revenue, là, près de nous, avec nous, sur la scène, dans la salle - dans l'élan tout vivant de la musique.
Et pourquoi pas ? Interpréter, c'est peut-être cela : non pas s'effacer devant celui qu'on joue, mais arracher de soi, de tout son art et de tout son être, la force qui doit l'incarner.
 
Alors, le vieux fantôme qui se penche sur l'épaule du musicien, qui lui bat la mesure, et qui guide sa main,
chacun de ceux qui l'écoutent sent battre en lui son coeur ardent
de vivant.
 
 

Publié dans Fables, Nantes

Partager cet article

L'Olivier

Publié le par Carole

     Une histoire d'arbre ? Bien sûr que je peux vous raconter une histoire d'arbre, bien sûr que j'en connais, des histoires d'arbre... Tout le monde a son histoire d'arbre, non?... Est-ce que les arbres n'accompagnent pas depuis toujours la vie des humains ? Est-ce qu'il n'y a pas, partout, des humains qui portent des noms d'arbres ? Est-ce qu'ils ne sont pas un peu humains, au fond, les arbres ? Et même, est-ce qu'ils ne sont pas tout à fait de notre famille, quand nous les plantons de nos mains, quand nous les soignons et que nous les aidons à grandir comme des enfants ? Et est-ce qu'ils ne meurent pas comme des humains qu'on assassine, quand nous décidons de les tuer ?
    Tiens, je pourrais vous raconter l'histoire de [...]
 
Suite du récit sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com

Publié dans Récits et nouvelles

Partager cet article

Les ganivelles

Publié le par Carole

Les ganivelles
Ce matin, mon bus était dévié. 
Ça ne m'arrive jamais de passer devant la préfecture à huit heures du matin. 
En levant la tête, soudain, j'ai vu ces gens derrière ces barrières de police - il paraît qu'on devrait dire barrières Vauban, mais ici, à Nantes, on les appelle des ganivelles - un drôle de nom chantant comme bartavelle, migrant comme hirondelle, grinçant comme citadelle, puissant comme manivelle, étrange et démuni comme Cadet Rousselle.
J'ai d'abord cru à une manifestation.
Le bus a ralenti. Non... non... c'était autre chose.
 
C'étaient eux, ceux qui attendent, le matin, qu'on leur ouvre les grilles, pour avoir enfin des papiers, les papiers - ces papiers qui sont devenus la matière même, si fragile et pourtant si rigide, de nos vies classifiées, enregistrées et tamponnées.
 
Ils attendaient en ligne, debout derrière les ganivelles, depuis on ne sait quelle heure du petit matin, pour être sûrs d'entrer à temps, de prendre la queue avant qu'on en ferme l'accès, et de se présenter quand il fallait au guichet qu'il fallait.
Je ne les avais jamais vus, ça ne m'arrive jamais de passer par là à huit heures du matin, ça ne m'arrive jamais d'aller attendre là derrière des ganivelles. Ce n'est pas mon chemin.
 
Le bus a redémarré brutalement. Une moto est passée en trombe. Les gens sont pressés, le matin.
 
Je me suis juste dit que c'était cela, sans doute, aujourd'hui, bizarrement, être un privilégié : avoir le droit de foncer vers où on croit vouloir aller, pouvoir suivre en vitesse son petit chemin d'homme pressé. Pendant que d'autres, coincés debout derrière des ganivelles, n'ont que le droit d'attendre, pendant des heures, qu'on leur entrouvre des grilles.
 
Mais, bon, j'avais à faire, moi, ce matin. Un bus dévié, beaucoup de temps perdu. Je n'ai plus repensé à tout cela. J'étais bien trop pressée.
 

Publié dans Divers, Nantes

Partager cet article

Grenouille

Publié le par Carole

Grenouille

grenouille de l'automne

grenouille feuille brune

 

grenouille aux yeux tout ronds

comme gouttes d'eau blonde

 

grenouille de l'étang

grenouille au  coeur battant

 

grenouille aux mains d'enfant

grenouille au bord du temps

 

grenouille avant le saut

 

friselis de ruisseau
 
grenouille toute nue
grenouille disparue

 

clapotis de l'eau noire

se fermant sur le soir

.

 

 

Publié dans Fables

Partager cet article

La Chute d'Icare

Publié le par Carole

there was
a splash quite unnoticed
William Carlos Williams
 
    C'était un si beau soir. Un de ces doux soir de septembre, quand l'été un peu las commence à se pencher sur l'épaule de l'automne. Les montagnes s'inclinaient sur l'eau verte dans une légère vapeur de brume. Tandis que les nuages, là-bas, dans les fonds jaunis du couchant, roulaient comme des vagues.
    C'était un paysage si parfait, si bien ordonné. En cercles et diagonales. En courbes et en miroirs. Un de ces paysages rêvés que les peintres flamands composaient comme des dieux, de montagnes glacées, de vaisseaux calmes et d'eaux étales sous un horizon sfumato. Il n'y manquait que le sujet. Le petit sujet humain dérisoire et perdu dans un coin du tableau.
    J'ai toujours aimé la peinture... J'ai longtemps regretté de ne pas être vraiment devenu peintre. [...]
 
Suite du récit sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com
 

Publié dans Récits et nouvelles

Partager cet article

Colchique - version 2 (réédition)

Publié le par Carole

Colchique - version 2 (réédition)
 
 Le vent froisse en rêvant 
Ses bouquets de septembre
Où grandit comme l'ombre
Le colchique aux yeux tendres
 
Des arbres goutte à goutte 
Tombe l'or
Dans la boue
 
Automne compagnon
De nos jours qui s'en vont
Tes fleurs font sous nos pas de grands chemins de ronde
Et des brassées de fruits pourrissent dans nos vies
Qui longtemps dédaignèrent de vendanger la joie
 
Tant de mains chargées d'or
N'ont semé que l'oubli
Qui donc cogne à la porte haletant comme un coeur
 
Un oiseau tourne au ciel c'est une page
blanche
Qu'emporte le soir gris
 
Colchique ton poison c'est notre nostalgie
 

Publié dans Fables

Partager cet article

Le Shtandart

Publié le par Carole

" Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ? — J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… les merveilleux nuages !"

" Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ? — J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… les merveilleux nuages !"

C'était hier. Nous voulions le voir avant son départ, le visiter peut-être...
Car c'était le Shtandart, venu à Nantes pour peu de jours - le Shtandart, la réplique du bateau de Pierre Le Grand - le tsar qui s'était fait charpentier.
Mais il était presque sept heures. Nous avons vu les derniers visiteurs remonter sur le quai.
Une mère près de nous, pour consoler ses enfants déçus qui s'obstinaient à ne regarder que lui, leur expliquait que les nuages, là-bas, au-dessus de l'estuaire, du côté de la mer, étaient splendides, qu'il fallait regarder les nuages, qu'ils étaient aussi beaux que le bateau.
Soudain nous avons entendu le moteur. Les matelots se sont affairés à détacher les amarres, à remonter les défenses. Et déjà le pilote, sur son petit canot, l'a poussé et tiré.
 
Il est parti vers les nuages, là-bas... le couchant l'a repeint de soleil un instant, puis l'horizon l'a retrempé de brume, et il a disparu.
Comme un bateau d'autrefois quittant le port, il est parti au loin, laissant à terre l'amer désir du large - et des nuages, là-bas.
Et nous, comme des enfants, qui courions sur le quai pour le suivre, dans les ombres du soir.
Le Shtandart

Publié dans Nantes

Partager cet article

Automne pas à pas

Publié le par Carole

 

Tout au bout de l'été

pluie lente sur la ville.

 

Soudain ces feuilles comme un gué

dans les flaques d'eau grise,

pavés d'or frais battu

sous de lourdes semelles.

 

Il s'en va devant nous,

les bras chargés d'or roux

et les pieds dans la boue,

 

il s'en va si tranquille,

comme un prince inconnu,

comme un arbre sans hâte.

 

L'automne 

 

pas à pas.

 

 

Publié dans Fables

Partager cet article

Baudelaire dans la rue

Publié le par Carole

Baudelaire dans la rue

C'est toujours étonnant, ces gens qui utilisent les murs comme des pages blanches pour y noter absurdement des mots qu'on efface aussitôt.

Mais c'est la ville, au fond, qui veut cela. La ville qui ne fait jamais silence et exige de nous tous des mots, des mots, des mots pour faire taire le fracas et pour remplir le vide. Des mots pour exister, et des mots à faire exister, quand on n'est qu'un passant aussitôt englouti par la foule. Des mots que la ville suscite et que la ville efface, jetés comme des affiches à arracher, sur tous ces murs qui nous enserrent.

 

 

Je traversais la rue dans le grondement des moteurs et le fracas hâtif des destinées précaires.

Et soudain il a été là, devant moi, comme une apparition, ce vers cacophonique et magnifique, affiché sur un mur par un passant enfui, ce vers si absolument parfait dans son roulement de r, qu'il me semble toujours que toute la laideur du monde se fige en lui comme en un diamant hérissé et glacé, dans l'attente de la beauté qui doit passer enfin - et disparaître aussitôt.

 

La rue assourdissante autour de moi hurlait

 

La rue assourdissante hurlait, oui, elle hurlait encore, elle hurlait toujours, elle grondait, klaxonnait et crissait. Peut-être même n'avait-elle jamais connu plus grand vacarme, plus imbécile tintamarre, plus absurde chaos.

 

Et pourtant...

qu'un inconnu de nos rues d'aujourd'hui inscrive sur un mur de la ville, comme ça, juste en passant, un vers de Baudelaire, je ne sais pas ce que vous en pensez, vous, mais pour moi, cela suffit à donner sens à tout.

A la ville si laide, au crissement des pneus, à la ruée des moteurs, à la rumeur des foules, aux murs couverts de tags, à tous ces mots absurdes que nous jetons partout comme des cris - et qui parfois - une ou deux fois par siècle, peut-être, par la voix d'un poète, se mettent enfin, et pour toujours, à exister.

 

Une forme de réversibilité, peut-être.

 

 

Publié dans Fables

Partager cet article

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 > >>