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Enigmes au-dessus de nos têtes

Publié le par Carole

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Château des Ducs
 
Scène de guerre éternelle ?  L'idiot lance le cri de guerre, le soldat lutte, la mère protège son petit...
A moins qu'il ne s'agisse d'une toute autre fable. Qu'importe ?
 Du reste, qui peut les lire, ces pierres placées si haut ? Ce qui compte, ce n'est pas de déchiffrer les énigmes, c'est de savoir qu'elles sont là, et qu'elles veillent d'en haut sur le désordre de nos vies.

Publié dans Nantes

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Tourne manège... (collage)

Publié le par Carole

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Le petit manège de la place du Bon Pasteur exhibe sans la moindre honte, comme un emblème de la ville, peinturluré et piqué de strass, le mascaron nantais bien connu qui représente, sur la façade d'un hôtel d'armateur négrier, un visage africain.
J'ai photographié ce manège si naïf et tranquille, puis j'ai posé au-dessus de la tête du clown, comme un remords lointain, comme un noyé flottant parmi les cygnes sur les douves du château, le visage de pierre usée que j'ai pris quai Brancas, ce visage d'esclave aux yeux morts, à la mâchoire encore princière.
 
mascaron esclave

Publié dans Nantes

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Trio nantais

Publié le par Carole

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   Des mascarons rieurs et bons vivants, couronnés de fleurs et de grappes, en corne d'abondance et voiles de bon vent - et une mince vierge blanche bénissant les passants... Tout Nantes tient dans cette façade trinitaire de la place du Change : la fortune insolente des armateurs, l'élégante légèreté du XVIIIe siècle, la foi naïve des gens d'ici, joliment réunies dans le triangle pur d'un unisson parfait. Naïveté ? Hypocrisie ? Pour ma part j'y vois une forme de sagesse tranquille, une façon d'accorder, dans l'orchestre criard de nos âmes, ces notes trop tendues qui nous blessent.
   Et puis j'aime tant le petit balcon, posé comme un nid tendre de fer ajouré, dans cette ville où tout est théâtre - le ravissant petit balcon, pour surplomber la rue, quand on descend du ciel.

Publié dans Nantes

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La grue Titan

Publié le par Carole

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 Nantes, 11 février 2012 
 
On l'appelle Titan. Haute et fière, aussi finement gréée que les navires qu'elle aida à bâtir, comme eux arrêtée dans sa course, elle s'obstine et son bras de fer jaune reste tendu comme la flèche dans l'arc des horizons d'antan, vers l'estuaire.
Ce soir-là, tandis que l'eau de la Loire à demi prise par les glaces semblait ne plus pouvoir conduire qu'au passé qui se fige en nos coeurs, la grue du port avait vraiment l'air d'un titan au flanc doré, d'un Prométhée porteur de flammes dans le grand froid de l'hiver.

Publié dans Nantes

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Obstination

Publié le par Carole

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 L'Entêté, port de l'Erdre - Nantes, 10 février 2012
 
Lui, c'est moi. Pas le bateau, pas le grand entêté bien amarré au port. Bien sûr que non. Mais le minuscule entêté, celui qu'on ne remarque pas, ou si peu, l'oiseau maladroit sur ses pattes et qui glisse, solitaire, de carreau de glace en carreau de gel, sur le grand échiquier de sa vie. Obstiné, comme s'il allait y arriver quand même. Ou comme si ce n'était pas l'essentiel.

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Mnémosyne (la Mémoire)

Publié le par Carole

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Mnémosyne - bibliothèque Jacques Demy - Nantes 
 
"C'est une loi, que tout rentre dans la terre, semblable aux serpents,
Prophétiques [...]. Et il y a
Beaucoup à porter,
C'est sur les épaules comme un chargement de bûches.
Mais les chemins sont mauvais."
(Hölderlin, Mnemosyn, traduction personnelle)
 
 
Une moitié du visage emportée, les bras coupés et les jambes liées, tordue et douloureuse et mouvante et mourante comme une flamme, lourde et noire comme les corps souillés couchés au fond des navires négriers, comme l'eau de l'estuaire sous la coque percée des barges de la Terreur, comme les barreaux des prisons des otages et les fusils de leurs bourreaux, secouée déformée dévorée par tous les vents de l'histoire, elle a le regard fixe des serpents qui remontent toujours vers le dedans, au plus caché, pour nous dire l'avenir.
 
On l'a appelée Mnémosyne. Elle est, dit-on, notre Mémoire.
 
Derrière elle, un absurde panneau prévient les passants que le site est équipé de caméras vidéo qui enregistrent tout, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
A demi-décollée sur son socle, une affichette plus absurde encore avertit ceux qui se risqueraient à courir, à s'élancer dans la bibliothèque : "Attention,  sol glissant".
 
Mais toute nue et terrible, accablée transpercée sous son fardeau d'éperons et de lames, devant les caméras et les archives numérisées, sur le sol si glissant de nos vies incertaines, Mnémosyne se tord. Elle danse comme une larme, elle court sur les chemins mauvais, elle appelle et se tait, et sa poitrine est un nid de bêtes, un écheveau de vipères étouffant son corps incertain et nocturne.

Publié dans Nantes

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La comète -

Publié le par Carole

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Allée du commandant Charcot, Nantes, 10 février 2012 
 
Allée du commandant Charcot, j'ai vu hier cette comète, décoration de Noêl oubliée en ce mois de février où on les a déjà partout retirées. Singulière et si belle, dans ce monde où chacun cherche son chemin de panneau en rond-point, de giratoire en balise, elle seule s'élançait haut et droit vers le ciel, sa patrie.
Je me suis souvenue, en la voyant ainsi vouloir se perdre, sans une hésitation, dans cette nuit glacée de février, du commandant Charcot et de son Pourquoi-pas.
Car il a eu son port d'attache ici même, à Nantes, quai Ernest Renaud, ce Pourquoi-pas, un hivernage où il attendait tout fiévreux de son désir de pôles, de glace et de silence. C'était au temps où il y avait encore un port dans la ville.
Quand tu glissais comme un viking sur l'estuaire, frôlant les îles vertes comme des icebergs. Quand l'ombre toute blanche du sphinx des glaces ne t'avait pas encore effacé du monde.
Quand l'eau de la Loire s'en allait vers l'ailleurs en frôlant les remparts du château, toute battue par les laveuses, légère, un peu mousseuse et salée d'astres - foleillante.
Quand tu étais encore vivant, commandant, qu'on n'avait pas encore taillé, dans les trois mâts brisés de ton navire pur et glacé comme la comète qui ne vient qu'une fois par siècle à notre rencontre, les croix de bois des rêves naufragés.

Publié dans Nantes

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L'encagé

Publié le par Carole

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La cage s'était refermée sur ce visage de l'église Saint-Nicolas, pris dans le double grillage de l'échafaudage et de l'ombre. Les réseaux géométriques et compliqués que le soleil avait découpés sur le mur m'ont rappelé les labyrinthes d'Escher, avec leurs escaliers qui nous emportent dans toutes les directions de l'esprit, et qui ne vont jamais nulle part.
Comme souvent j'ai pensé : "Tiens ! te voilà." Et puis on a retiré les échafaudages. 
Mais le labyrinthe ? Le labyrinthe, lui, il faut bien qu'il se prenne encore quelque part aux mailles d'un filet d'ombre, qu'il grimpe encore, alpiniste égaré, dans un coin de nos vies, ses murs d'incertitude, non ?

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Le banc

Publié le par Carole

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 5 février 2012 - Quai du canal Saint-Félix 
 
A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
Jamais, jamais !
Baudelaire - Le Cygne
 
 
 Quand j'ai photographié ce banc, de la vieille fonderie du "Centaure", dont l'appui de fonte évoque en effet la croupe d'un cheval à tête humaine, j'ai remarqué les traces de pas fraîchement creusées dans la neige, qui attestaient que quelqu'un était venu s'asseoir sur le dos glacé de ce bon centaure, quelqu'un qui avait trouvé là un bref repos dans sa marche glissante, avant de repartir. Et je me suis souvenue d'une femme que j'avais rencontrée, dans le tramway, l'hiver dernier.
 
C'était une femme en costume africain éclatant. Elle avait posé près d'elle les sacs qu'elle avait ramenés du marché. Il faisait froid et elle regardait au-dehors, d'un air morne.
Puis voilà qu'il se met à grêler, par grandes rafales glacées cliquetant sur les parois du tram.
-Qu'est-ce que c'est, ce qui tombe ? Je lève la tête. C'est la femme, en face de moi, qui m'a parlé. Elle répète, obstinée, voulant vraiment savoir
-Qu'est-ce que c'est, ça, qui tombe ?
-De la grêle.
-De la grêle ? qu'est-ce que c'est ?
-De la glace.
-Ah.
Et elle se tait de nouveau. Elle continue à regarder par la fenêtre. Dehors, peu à peu, la grêle se change en neige.
Elle descend au Pin sec, avec ses paquets, et je la regarde s'éloigner, silhouette jaune vacillante sur le quai qui blanchit, courbée sous le poids des paquets et sous le souffle de l'hiver. Je la vois encore, s'asseyant bientôt, fatiguée, sur un banc déjà recouvert, puis se relevant presque aussitôt, effrayée par le froid, pour repartir de son pas lourd.
La ville est remplie d'exilés. Ils regardent tomber la grêle sur leurs rêves gelés, sur leurs paquets trop lourds, sur les chemins qui se font glissants. 
Et ils ne trouvent que rarement où s'asseoir.

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Oiseaux sur la glace

Publié le par Carole

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Erdre, février 2012
 
J'ai très rarement vu l'Erdre geler et les oiseaux se poser ainsi sur la glace.
Ces deux canards sont restés là très longtemps, pensifs. Au soleil couchant, regardant chacun de leur côté, avec ces deux grandes ombres sous leurs corps, ils m'ont paru représenter la solitude. Mais une solitude calme et sans souffrance, la solitude primitive des êtres, en accord avec les lois de l'étang, de l'hiver, de la faim, du froid, du jour et de la nuit - de la vie et de la mort.

Publié dans Nantes

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