Vita in motu
réédition revue
Cadran solaire posé sur le sable - 2012 - Parc de la Beaujoire. Alors que je photographiais le cadran solaire, dans le parc désert, par un jour gris d'automne où l'ombre trempée de pluie ne dessinait sur la pierre que l'heure unique de la nostalgie, un très vieil homme qui passait est venu me parler."Un beau parc, hein ? et un beau cadran solaire... Quand on est arrivés ici, y avait rien. On est là depuis 56. Rue Millau... on a fait construire en 55 !" Il était seul mais disait "on" comme font ceux dont le couple a si longtemps vécu qu'ils ne peuvent plus se penser ni se désigner seuls. "Rien du tout. Y avait rien. Rien... et maintenant ! c'est beau... c'est si beau ..." Son bras balayait l'air bruineux, les arbres défeuillés, les tiges tronquées des rosiers et les chemins boueux, bien loin, jusqu'à des printemps bleus d'iris, des étés de roses suaves, des saisons de jeunesse qu'il voyait, là-bas, encore vivaces, immenses et débordantes. "Oui, on est arrivés ici en 56..." Un petit chien que je n'avais pas aperçu courait autour de nous, joueur. Le vieil homme m'a saluée, et je l'ai regardé s'en aller, silhouette voûtée noire et lente qui s'effaçait de brume, près du petit chien blanc.