Vidéosurveillance
Aujourd'hui, c'est dimanche. Et, comme il se doit au septième jour d'une longue semaine, je me repose.
Je ne vous offrirai donc que ce petit tableau, composé par un antiquaire malicieux ou naïf, et qui vous montrera ce dont vous vous doutiez déjà : que les anges eux-mêmes, parfois, ont envie de cueillir le fruit défendu.
Il est vrai que ce putto rebondi semble appartenir à l'espèce tendre et fragile des cupidons plutôt qu'au peuple grave des anges du paradis... Et puis il est si maladroit, je crois qu'il se brûlera aux lampes avant d'avoir attrapé la grappe.
Mais attention ! Qu'il soit fils de Vénus ou gardien de l'Eden, qu'il aboutisse ou qu'il échoue, son coupable désir ne restera pas inconnu, et la voiture qui passe ne le cachera pas : tout est filmé, enregistré. Vidéo surveillance.
Restent ces questions qui me troublent : que fait-on du film, là-bas derrière, au fond de la boutique obscure ? Est-ce le débonnaire antiquaire qui le visionne en souriant comme un dieu bienveillant ? Est-ce un sévère archiviste qui scrute, et note, et range ensuite ses fiches dans de profonds casiers, sans rien omettre, pour le procès, plus tard ? ou bien la caméra continue-t-elle à tourner, sans spectateur, absurdement, enregistrant toujours, et effaçant à mesure qu'elle avance tout ce qu'elle avait emmagasiné, dans un recommencement éternel et vide ? A moins bien sûr qu'il n'y ait tout simplement pas de caméra, rien, le néant, et un bout de papier doré collé sur la vitrine pour nous impressionner...
Mais aujourd'hui, c'est dimanche, je me repose, et vous laisse répondre.