Uniques
Nantes - papier collé sur un mur, rue de l'Ecluse
Uniquement des enfants uniques, uniquement des humains uniques
J'ai connu une mère qui disait sans cesse : "mon fils...", allongeant l'adjectif possessif, comme d'une caresse, d'un sourire, peut-être même d'un léger reproche, adressés à l'enfant unique qu'elle aimait tant, et qu'elle semblait, dans ce mot, faire venir tout entier à elle, comme au jour lointain de sa naissance.
"Mon fils..." Elle le disait à tout propos, elle ne semblait pas pouvoir se lasser de parler de cet enfant. Elle n'en avait qu'un et il était le sien.
Mon fils - Et l'enfant ne se perdrait pas dans la forêt ombreuse qui menace, loin des mères, tous les enfants de ce monde incertain. Souriante elle veillait.
"Mon fils...", et elle le mettait de nouveau au monde, parlant de lui à tant d'inconnus qui auraient pu, ignorant tout de lui, lui dénier ce miracle qu'était son existence.
"Mon fils..."
Et, c'était extraordinaire, en une même journée son fils trouvait le moyen de se marier, de divorcer, de perdre un emploi, d'obtenir une promotion, de tomber malade, de s'inscrire à un club de judo, et, pourvu d'un don d'ubiquité véritablement unique en effet, de se rendre à Paris, à Lyon, à Singapour, à Nantes, à la crèche, chez le dentiste, en voyage d'affaires, ou à l'université.
J'ai fini par comprendre qu'elle avait sept enfants - sept garçons, dont deux qu'elle avait adoptés - tous siens, et, surtout, tous uniques.
Je n'ai que trois enfants, mais je lui ressemble beaucoup. Moi, bien d'autres, toutes peut-être... comme nous lui ressemblons...
Car il n'y a que des enfants uniques.