Une souche

Publié le par Carole

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Je l'ai très bien connu, l'arbre qui vivait là, derrière chez moi.
Il se tenait un peu penché, comme un vieux roi pensif, et je crois qu'il avait plus d'un siècle.
Il avait longtemps veillé sur un château tout blanc. Puis le château était tombé en ruines, les chevaux avaient cessé d'emprunter l'allée cavalière, on avait bâti le lotissement.

C'était un arbre si vaste et si haut.
Son ombre de géant marchait avec le soleil et la lune. On lisait à ses pieds l'heure immense des mondes éternels.
Les enfants s'enfonçaient en lui pour y rester cachés, rêveurs, approfondissant le mystère de ses feuilles.
Les oiseaux accrochaient sur ses bras écaillés des bouquets verts de nids pépiant.
La pluie roulait dans sa chevelure sombre de longues tresses de lumière.
Et le lierre varappeur, aux abruptes falaises de son écorce,
nouait de grands filets sauvages où remuaient des bêtes, des lichens, d'étranges champignons.
 
Il y eut cet hiver neigeux où le vieil arbre fut sur le chemin froid la yourte toute blanche où l'on aurait tenu nombreux.
 
Et soudain, au dégel, le fracas des tronçonneuses,
joyeuses, actives et carnassières comme des guêpes.
Et cette longue lourde chute dans l'herbe qui tremblait.
Et de nouveau le vacarme fébrile des scies, désossant le tronc et les branches,
le va-et-vient rapide des hommes au travail, qui se parlaient en riant, qui seraient fatigués le soir.
 
Ensuite,
les tas de bois géométriques, plus sinistres que des croix, sur les bords noirs de l'allée défoncée,
le faible cri des oisillons sans nid,
la muette douleur des enfants mis à nu,
le silence effaré de la disparition.
 
Et sur la terre désormais cette souche
où le mort en rampant
dans l'ombre lentement
creuse sa propre tombe.
 

 

Publié dans Fables

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T
Maladie du chancre colore chez la plupart des platanes le long du canal du midi pour completer un commentaire. Les platanes sont voues a la mort certaine, on les coupe et on les brule sur place et<br /> le materiel est desinfecte avant d'etre transporte plus loin pour eviter toute contamination...<br /> Plus de details ici:<br /> Canal du Midi: deja 6700 platanes malades abbatus pour lutter contre le chancre colore.
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C
<br /> <br /> Oui, j'ai lu cela. Impressionnant.<br /> <br /> <br /> Votre lien ne renvoie pas à l'adresse de votre blog, mais au site général de "Packblog", Thérèse.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Une sentinelle. Un témoin, il y a une idée rassurante ici. Bien vu, Carole. Jonas
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M
Je me souviens d'un grand chêne, quand il a été abattu j'ai entendu comme un hurlement, ce bruit terrible au moment où il tombait, c'était terrifiant, je ne l'oublierai jamais.
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C
<br /> <br /> Une impression que j'ai eue plusieurs fois, moi aussi. <br /> <br /> <br /> <br />
T
Une souche, sa souche, en toute dignite.
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C
<br /> <br /> La dernière dignité, tombale désormais.<br /> <br /> <br /> <br />
H
Une souche comme pierre tombale. Les arbres crient, les arbres pleurent. Je l'ai lu dans un livre sérieux de biologie écrit par un amoureux fou des plantes. Je le crois.<br /> Mais alors, c'est qu'ils chantent et qu'ils rient aussi. Et peut-être, sûrement, qu'ils sont sages de cette sagesse divine, une sagesse de baleine. Il s'est peut-être dit qu'il était temps?<br /> Peut-être a-t-il appelé cette fin?<br /> Ou peut-être qu'il a seulement fermé les yeux et ouvert ses milles ailes d'oiseaux?<br /> <br /> Hélène*
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C
Le côté gauche me fait penser à une huître.
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F
je suis si triste dès que l'on coupe un arbre, j'ai l'impression que l'on coupe mes racines!! j'ai mal pour lui!! Quelle superbe souche qui nous montre qu'il n'est pas encore complètement oublié et<br /> qu'il peut revivre!! BISOUS FAN
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N
Peu à peu, ces géants inquiétants et débonnaires disparaissent.tu rends un bel hommage à celui-ci. D'autres artistes aussi les magnifient. Connais-tu "Bois" d'Andhy Goldsworthy, que j'aime<br /> beaucoup?
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H
C'est tellement triste que j'en suis éprouvé. Merci Carole pour ce beau texte.
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C
<br /> <br /> Merci, Hamza.<br /> <br /> <br /> <br />
F
que c'est triste de voir disparaître un arbre
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Q
Que dire sans me répéter à l'infini ? Je ne sais pas... je suis toujours autant touchée par tes mots et ta vision de ce qui t'entoure.<br /> Tu écris merveilleusement bien et c'est un vrai bonheur que de m'arrêter chez toi.<br /> ... même si cette souche va me laisser une image bien triste, tes mots résonnent comme les plus beaux poèmes de mon florilège personnel.<br /> Merci, Carole.<br /> Passe une douce journée.
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A
Magnifique ! Quel poème ! Quel hommage !! Tout est beau... J'ai été touchée par "le lierre varappeur"... mais s'il n'y avait eu que cela !
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A
Un peuplier centenaire est là, heureux, dans mon jardin.<br /> La grosseur de son tronc fait peur à ma femme, sa ramure cache le soleil l'été, en bordure de rue, certains voisins le regardent d'un mauvais oeil.<br /> Il restera dans le jardin. Il a mérité de mourir de vieillesse, dans la dignité...
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X
Je ne comprends pas, moi non plus, l'abattage de ces grands arbres qui ont résisté à tous les mauvais vents, pépié de mille chants d'oiseaux et protégé notre vie de leur ombre (et de leur<br /> oxygène).... Oui, quand on ne taille pas sa haie à l'aune de celle des autres, ils disent que "ça fait sale" chez vous.... Je garde mon jardin fou mais il défrise... C'est un peu une manie des<br /> hommes de toujours tailler, couper, rogner... comme s'ils avaient peur de l'extravagance.
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A
Je connaissais aussi un arbre majestueux, pluriséculaire qui abritait les repas en famille, les jeux des enfants et protégeait les siestes d'été près d'une vieille maison de pierres. Un jour on l'a<br /> coupé, on a dallé la cour et installé un parasol rouge. "C'est plus propre".
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C
Comme vous, j'ai pleuré un arbre : le grand noyer dans la rue devant ma fenêtre. J'en demeure veuve à jamais !
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J
Où il était malade ou il gênait pour x raisons... J'ai connu le vieux marronnier de mon école abattu pareil, il soulevait de ses racines la chapelle du lieu.... merci, jill
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C
<br /> <br /> Je soupçonne un voisin de l'avoir "dénoncé" parce qu'il lui faisait de l'ombre et des feuilles. <br /> <br /> <br /> <br />
A
J'ai entendu ce souffle de l'arbre, les enfants se sont lovés dans leur tendresse. je sais, je sais quelques rares âmes pour entendre et faire revivre
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C
<br /> <br /> J'aime beaucoup la façon dont tu parles des enfants, Anne, je voulais te le dire.<br /> <br /> <br /> <br />
A
Ils ont osé détrôner le roi de la cour, le laissant à peine plus grand qu'un homme mais de fins branchages, moins âgés que les enfants, ont surgi... comme mille chants. Depuis, de petites mains se<br /> posent sur son écorce, entendent la vie.
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C
<br /> <br /> C'est d'un autre arbre que tu parles, Anne, mais en réalité c'est bien le même : l'arbre des enfants... de tous nos enfants.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Ton texte me donnes le frisson Carole.Tu racontes avec émotion cette fin tragique que nous avons tous vécue un jour ou l'autre. Il n'a pas emporté que les oisillons avec lui, mais une partie de<br /> l'âme de la forêt ! Merci beaucoup. Joëlle
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C
<br /> <br /> Comme tu le dis, cette fin tragique des beaux arbres de nos bois est trop fréquente, alors qu'ils sont "l'âme de la forêt" en effet.<br /> <br /> <br /> Merci, Joëlle, à bientôt.<br /> <br /> <br /> <br />
A
J'ai lu le texte, je l'ai relu, à voix haute, comme il sied aux textes qui ont du corps et qui disent...
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C
<br /> <br /> Adamante, je suis très touchée, car je sais que tu es actrice et conteuse de talent.<br /> <br /> <br /> <br />
L
C'est une petite histoire inventée.<br /> Un peu farfelue comme je les aime.<br /> Les arbres, je les aime trop pour leur faire du mal.<br /> J'essaie de préserver l'intégrité de la haie de la maison de voisins brandissant le taille-haie et l'étêtage en bandoulière !
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C
<br /> <br /> En fait, je n'ai rien inventé : il y a vraiment eu derrière chez moi, dans "l'allée" qui traverse mon lotissement, bâti dans le parc d'un château détruit, un arbre immense et remarquable, aimé de<br /> tous, et qui a été abattu un matin par la municipalité sans consultation des habitants...<br /> <br /> <br /> La souche énorme que j'ai photographiée, vieille de deux ans maintenant, mais qui résiste, en témoigne...<br /> <br /> <br /> <br />
L
En forêt, je me suis promenée.<br /> Quatre sacs avais-je emporter.<br /> De feuilles, je les ai emplis.<br /> Une souche et quatre branches anciennes, toutes vermoulues y ai-je ajouté.<br /> <br /> Chez moi, je suis rentrée.<br /> J'ai saisi les sacs un à un.<br /> Les ai secoués.<br /> Sur le sol de béton, les feuilles sont tombées.<br /> <br /> J'y ai disposé les branches toutes mangées.<br /> Derrière chez moi c'est comme une forêt.<br /> <br /> Demain je vais chercher quatre arbres.
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C
<br /> <br /> Merci pour le poème mais... ne coupe pas trop d'arbres !<br /> <br /> <br /> Bonne soirée.<br /> <br /> <br /> <br />
E
Histoire d'un arbre... Triste fin, mais inéluctable...
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C
<br /> <br /> C'est vrai, mais fin tout de même hâtée par les hommes. On voit rarement d'aussi beaux arbres que celui dont j'ai parlé, et qui se trouvait à quelques dizaines de mètres de chez moi.<br /> <br /> <br /> Merci, Eva, et bonne soirée à toi.<br /> <br /> <br /> <br />
Z
...vraiment un beau texte...
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C
<br /> <br /> Merci, Zaddie, et à bientôt !<br /> <br /> <br /> <br />
G
Une feuille morte...un arbre mort...une nature morte, c'est bien signe que la vie nous entoure dans les sous bois. Joli texte Carole.
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C
<br /> <br /> Oui, Gérard, tout vit, et tout meurt aussi, près de nous.<br /> <br /> <br /> Merci, et à bientôt.<br /> <br /> <br /> <br />
E
C'est d'autant plus triste quand on a connu l'abre.On l'aime comme un ami. Je n'aime pas voir abattre les arbres.Je reviens de Carcassonne, tous les arbres le long du canal du midi vont être<br /> abattus , ils sont malades parait-il.C'est douloureux.<br /> Mais peut-être que les racines vont faire des rejetons qui vont grandir!<br /> Douce soirée, bises Carole
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C
<br /> <br /> J'ignorais qu'on allait abattre tous ces beaux arbres du Sud. Dans certains cas en effet des rejets se forment. Mais si les arbres sont voués à la destruction, je pense qu'on détruira aussi les<br /> rejets.<br /> <br /> <br /> Chez moi, ce qui se passe - malgré les protestations de beaucoup -, c'est que certains habitants se plaignent et souhaitent qu'on abatte les arbres qui font de l'ombre, ont de trop grosses<br /> racines, etc... je n'arrive pas à le comprendre qu'on leur donne raison...<br /> <br /> <br /> Bises à toi aussi, Erato.<br /> <br /> <br /> <br />
N
Quel bel hommage à cet arbre. On dirait que la souche s'agrippe encore à la terre, avant de céder.
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C
<br /> <br /> Merci, Nounedeb. C'est étonnant comme ces tronçonneuses bruyantes et obsédantes nous font aimer les arbres - ceux qu'elles abattent, et tous les autres aussi.<br /> <br /> <br /> Carole<br /> <br /> <br /> <br />