Un si lourd fardeau

Publié le par Carole

indochine 1
 
    Sous ce balcon très nantais, très dix-huitième siècle français, de la vieille place du Bouffay, le mot Indochine rappelait aux passants cette évidence passée depuis longtemps en proverbe : le monde est petit. Très petit, très vieux, et très fatigué aussi. Sur le rideau de fer qu'on avait tiré pour la nuit, il avançait lourdement, étrange animal, au maillot bleu d'océan rayé de latitudes et de longitudes, percé de continents étroits comme des hublots, d'où émergeaient une foule de têtes et de regards globuleux, une jambe, une trompe d'éléphant, un petit poisson dans le bec d'un canard, une corne de brume, une cheminée de paquebot, même un nez gogolien, un index tatoué cherchant une dernière page à tourner, et un roi prisonnier derrière des barreaux- sic transit gloria mundi. Une souris verte que ces messieurs d'en-haut avaient laissé tomber dans le vide courait derrière l'étonnant charroi, espérant, absurdement, remonter à bord. 
    Pauvre hère, bête de somme surchargée, brinquebalante et affolée, épuisée. Ventre rond trop fécond, sans fin distendu et transpercé par ses enfants. Avançant pourtant, en mère Courage qui ne sait que continuer, sous son fardeau désordonné.
 
    Elle est bien petite, elle est bien lasse, cette planète, lourde de tant de vies, de milliards de vies qui se ressemblent, qui se rassemblent, qui se bousculent, qui se rejoignent toutes et qui pourtant s'agitent en solitaires, vides et avides, au risque de crever la bête qui les porte.
    Elle trotte comme elle peut, pauvre bête, bleue comme une orange abîmée, comme un rêve trop mûr, dans la nuit gris de fer, sonnant parfois l'alarme, sans qu'on l'entende, sur sa corne de brume.
    A petits pas dans l'univers, avançant toujours malgré tout, vaillante, dans le grand vacarme de son corps fatigué.

Publié dans Nantes

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Z
Etrange, je n"'analysais" pas cette image de la même façon...
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C
<br /> <br /> ça ne m'étonne pas, Zadddie, je crois qu'elle est faite pour que chacun la lise à sa façon. Et même pour que chacun la lise différemment selon son humeur. Je suis souvent passée devant sans voir<br /> la même chose que ce soir-là, mais dans la nuit, j'ai vraiment eu l'impression d'une "terre" roulant dans l'espace.<br /> <br /> <br /> Il y en a pas mal dans la ville de ces "bêtes", en ce moment.<br /> <br /> <br /> <br />
R
Et si un jour la Terre n'en peut plus de nous, il n'y aura qu'à suivre l'idée d'Indochine : demander à la Lune ...
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C
<br /> <br /> Oui, j'y avais pensé - mais dans cette chanson le sujet est un peu différent.<br /> Merci Richard. <br /> <br /> <br /> <br />
M
j'aime ta façon de raconter les images...
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C
<br /> <br /> Merci, Marie, J'aime bien aussi la façon dont tu racontes les tiennes - on les raconte toujours d'ailleurs, en les cadrant, en les titrant. "ça" parle beaucoup, les images.<br /> <br /> <br /> <br />
C
Bonsoir Carole,<br /> <br /> Je me pose là, devant cette étrange créature tissée de tant d'autres, et je déguste chacun de tes mots. C'est comme ça, le plaisir m'étreint. Chacun de tes regards sur les "curiosités" de la ville<br /> est une pépite qui rayonne du talent de tes mots.<br /> <br /> Tant de créatures grouillant dans les entrailles de notre mère planète, une mère courage qui est allée tellement au-delà de ses capacités...<br /> <br /> Si nous pouvions la soulager un peu!<br /> <br /> Je te souhaite une bonne nuit, amitiés<br /> <br /> Cendrine
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C
<br /> <br /> Merci, Cendrine, pour ce merveilleux commentaire, qui éclaire ma nuit !<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
G
Ton image vient justifier mon com précédent, tu nous surprends chaque jour par tes découvertes ..brodées de tes mots.
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C
<br /> <br /> Et là, tu me fais encore grand plaisir ! Merci, Gérard, qui toi-même ne cesses de me surprendre.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Oh, la pauvre, quel carcan elle vit ! Depuis le temps que çà dure, aucune génération n'a fait mieux que l'autre ! Elle a du mérite ! Amitié. Joëlle
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C
<br /> <br /> Oui, pauvre bête, elle est bien lasse. Merci, Joëlle.<br /> <br /> <br /> <br />
M
Une belle image d'autant plus belle que revisitée par tes mots!
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C
<br /> <br /> Merci, Mansfield, à bientôt.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Bonsoir Carole... Un nez à nez qui laisse un sourire au coin des lèvres ! La souris verte telle une martienne vient reluquer ce "monde" étrange... Montera, montera pas ! Merci....
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C
<br /> <br /> Une martienne ? Excellente idée, Jill, j'y réfléchirai !<br /> <br /> <br /> <br />