Un regard d'André Breton

Publié le par Carole

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"Nantes, d'où peuvent encore me venir des amis, Nantes où j'ai aimé un parc : le parc de Procé." (André Breton, Nadja)
"La Beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas." (André Breton, Nadja, derniers mots)
 
 
Le regard d'André Breton, je l'ai croisé un peu plus loin, sous le pin gigantesque qui couronne l'immense pelouse couverte de pâquerettes...
Promeneur de Procé, Violaine Dejoie t'avait convié, toi aussi. Et tes yeux découpés en feuilles de fougère, ouverts aux aurores et aux vents comme ceux de Nadja, s'étaient posés à leur tour sur le filet du pêcheur, pour tisser - trame de lumière sur chaîne d'ombre - la tapisserie légère qui orne cette saison les murs de ciel et d'arbres du vieux parc que tu as aimé
 
Dans l'obscurité où se tiennent sévèrement les grands hommes, dans la pénombre qui fige après leur mort les imprudents auteurs de manifestes, ton regard agité par la brise de mai s'ouvrait tout pensif sur la joie insouciante d'un après-midi de soleil.
 
Ce n'était certes pas Nadja, encore moins l'Amour fou, que lisait, devant toi, la jeune fille couchée dans l'herbe, c'était seulement un roman de Marc Lévy.
 
Mais toi, le dieu sévère, tu ne t'es pas emporté, tu ne t'es pas même offusqué. Il me semble même que j'ai vu luire, au fond de tes prunelles où battait comme un coeur d'homme l'aile de colombe de l'espoir immense, un bon sourire de printemps et de brise douce.
Toi, le pape redouté des surréalistes, dans ce parc heureux empli d'enfants et de flâneurs du dimanche, je t'ai vu poser tes yeux, avec indulgence, pour la première fois, sur le monde réel - celui où la beauté est si rarement convulsive, et où pourtant elle est.
 
Je te salue, regard d'André Breton enfin devenu lui-même.

Publié dans Nantes

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