Un nid de fil électrique
Dans son fourreau de lierre, avec ses bras poussés comme des branches, et son air de vieux saule pêcheur, il m'a fait repenser, ce poteau électrique, à un étrange objet que j'avais vu, il y a des années et des années, au musée Philips d'Eindhoven.
C'était un nid d'oiseau, entièrement et parfaitement tressé de fil électrique, un drôle de nid de câbles qui était bien un nid pourtant. Un couffin de métal où des oisillons étaient nés, avaient crié pour la becquée, d'où enfin ils s'étaient envolés.
Le gardien nous l'avait présenté comme l'un des objets les plus précieux du musée. On aurait cru en effet une de ces oeuvres merveilleuses que des prisonniers sculptent avec des bouts de barbelés ou des morceaux de douilles, non par passion de l'art, mais parce qu'ils sont vivants, et que la vie ne peut que travailler à la métamorphose de tout ce qui la nie.
Je me demande si on le montre encore, là-bas, ce nid bâti dans une cour d'usine par un oiseau du ciel. Mais je sais une chose : quand nous, les humains, avec nos usines et nos villes, et nos moteurs et nos fumées, nous aurons disparu, ils nous oublieront aussitôt, les autres, les vrais habitants de la Terre. Ils recouvriront de leurs feuilles, de leurs ailes et de leurs élytres, nos villes et nos usines, et de nous il ne restera rien, pour cette éternité où tout recommencera, que des nids de fil électrique tout pépiants d'oisillons, et des poteaux de béton ruiné tout refleuris de ronces.
Mais s'il faut s'en réjouir ou s'il faut en pleurer, ou si cela doit nous être parfaitement indifférent, je n'en sais rien. Vraiment rien.