Tricot
Emmitoufler les arbres pour l'hiver, nouer d'une écharpe à carreaux le cou rugueux des magnoliers, cravater de tricot rayé les troncs durcis de gel, et réchauffer d'une petite laine la sève qui figeait au creux des veines froides, c'était un étrange, immense et joyeux projet, qu'on avait confié, pour le mois de novembre, à des retraités de la ville.
Ils en étaient venues à bout.
Cela m'avait bien plu, alors, qu'on l'ait tissé de vif, à la force des doigts tremblants, ce fil qui relie l'humanité aux arbres, qu'on l'ait nouée de couleurs aiguës, à la pointe émoussée des aiguilles bavardes des vieilles tricoteuses, la boucle d'harmonie qui attache nos âmes aux songeuses forêts.
Pourtant, quand je suis revenue au Jardin en janvier, on avait déjà déshabillé tous les troncs. Debout dans le vent froid, ils frissonnaient dans l'ombre, au long des grands chemins déserts.