The name

Publié le par Carole

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    Au village il n'y a pas de "tags". Sauf celui-là, je crois. Il s'efface de pluie, s'éraille au crépi pelé, se mange de lichens. Posé comme un ectoplasme sur le mur fatigué, il va très doucement vers sa disparition.
    Sortir à la nuit tombée muni d'un marqueur pour aller, mélancoliquement, écrire les lettres recopiées d'un mot nouvellement appris ; tracer sur le ciment, à la lueur falote d'une lampe de poche, sans trop de repentirs, les arrondis tout d'abord esquissés aux marges d'un cahier : travail absurde et minutieux d'écolier maladroit, désoeuvré, un samedi d'ennui, un dimanche de vacances, un jour qui n'en finissait pas de finir...
    L'inscription n'est pas assez visible pour être vraiment laide, elle est juste un peu pitoyable. Et d'un vide absolu. Car justement elle ne dit rien, ne trouve rien à nous dire dans son effort dérisoire pour être là quand même, et rouler sur le mur, en larmes égarées, en puzzle anonyme.
   Pourtant, "THE NAME"... C'est vrai, c'est là qu'est le problème, la "question" véritable, celle d'Hamlet, de Shakespeare et des autres...  même un écolier de ce petit village a assez vécu pour le comprendre, et l'exprimer à sa façon, un soir de désarroi ou de révolte.
    Trouver de quoi remplir un nom d'une faible présence. Poser, quelque part, un instant, pour exister, ou savoir qu'on existe - ce qui peut-être pourrait importer davantage -, son nom. Le nom. Celui qu'on s'est donné, ou qu'on vous a donné. Ou même pas un nom, juste la forme d'un nom, la possibilité d'un nom, l'énigme d'une vie, la trace vague d'un passage. Et puis se résigner, laisser la pluie, la nuit, le lichen et le temps en faire tout ce que bon leur semblera.

Publié dans Le village : Selommes

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J
Je n'ai pas pu résister j'ai mis de la couleur sur ce tag et je lui est trouvé une histoire.<br /> <br /> http://jamadrou2.e-monsite.com/pages/pour-carole/sur-un-mur-un-tag.html (pour passer: troublant)
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C
<br /> <br /> Merci, Jamadrou, ton "Ange" m'a touchée.<br /> <br /> <br /> <br />
N
Ce tag, pas si quelconque, puisqu'il t'a inspiré ce texte... :}
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D
tu as "une plume" fantastique. C'est bien agréable de te lire.
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Z
Ecolier tu penses...? dans un premier temps, il m'a semblé que le tag était d'envergure..
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C
<br /> <br /> Il est moins haut que moi. Or, je ne suis pas très grande. Je pense que l'auteur du tag ne dépassait pas 1m 55, généreusement calculé... peut-être un collégien ?<br /> <br /> <br /> <br />
M
Une étrange façon d'essayer d'exister... même pas un noms, juste l'idée que peut-être on existe
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J
Il reviendra pour mettre de la couleur et nous dire quel est le nom qui le fait rêver...oui je suis certaine il reviendra et signera son oeuvre et ses amis seront là pour l'éclairer.<br /> Carole, tu nous raconteras.
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J
Ton texte Carole me fait penser à quelque chose. Il parait qu'il est possible de puis peu de déclarer à l'état civil, un enfant mort né. Il a un nom, donc une existence. Je trouve que pour les<br /> parents cette démarche doit beaucoup les aider dans leur processus de deuil, de réparation. Bonne nuit à toi. Amitiés. Joëlle
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V
J'aime beaucoup "rouler sur le mur, en larmes égarées"... Et puis cette méditation sur le sens de ce mot, là... Toujours aussi bien écrit, vrai poème en prose ! Bonne soirée Carole.
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J
Bonsoir Carole... Comme une énigme, un appel sans suite... laissons faire les éléments, le temps qui rend illisible les maux d'un soir... Merci...
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