Stop
"Stop ! " disait le grand panneau. Je me suis arrêtée.
"L'humain est beau !" disait le petit papier. Je me suis arrêtée plus longtemps.
L'humain ? beau ?
On pourrait en douter, à vrai dire. Partout foules sans grâce, voraces et pugnaces... tristes sires, louches individus, sombres hères et lourdes misères... Il me semble toujours, quand je lis les pages, aussi noires d'encre que de désespoir, où les journaux archivent les turpitudes humaines, que je fais et refais le voyage de Candide, d'un bout du monde à l'autre, de guerres en tortures, de viols en assassinats, de désastres en maladies, de corruptions en égoïsmes...
Pourtant, oui, l'humain est beau, il n'y a rien de plus beau. Mais pour le découvrir il ne faut pas traverser le monde en courant, il ne faut pas vivre au milieu des foules, il ne faut pas chercher la vérité aux pages des journaux, il ne faut pas se laisser prendre aux images criardes des "J.T". Il faut simplement s'arrêter aux pauvres visages, écouter les voix de peu, entendre les mots de pas grand chose, regarder ceux qui passent et qu'on ne voit jamais. Prendre le pouls de la vie, de l'héroïsme quotidien, de la tendresse ordinaire, de la douleur banale, du grand effort des coeurs qui luttent.
Voltaire, d'ailleurs, le savait bien, qui arrêta Candide dans son petit jardin d'espérance, et lui offrit, pour y travailler à vivre, le vaste courage des humbles.
L'humain est beau, ne passons pas notre chemin. Stop. Arrêtons-nous et prêtons attention. Alors, enfin, parmi la sombre foule en marche, nous les apercevrons, les âmes claires.