Le parapluie
Il avait l'air si triste et solitaire, contre le bord de l'abri d'autobus. La vitre se couvrait de tant de larmes de pluie.
A le voir, lui, sec, raide et bien refermé, j'ai pensé que c'était une femme âgée qui l'avait laissé là - une de ces vieilles femmes un peu coquettes encore qui ne veulent pas prendre de canne, et s'aident pour marcher d'un parapluie qu'elles ne peuvent jamais ouvrir quand il pleut, mais qu'elles protègent de tout leur corps, puisqu'il leur sert à s'appuyer. Ma grand-mère était de celles-là. J'ai encore à la maison son grand parapluie gris à poignée de bois, son dernier parapluie, son parapluie de veuve.
Donc elle était venue, seule, bravement, au marché certainement, puisque c'était ce matin jour de marché. Fatiguée, boitant un peu, elle s'était assise sous l'abri, pour se reposer un instant, puis, au moment de monter dans le bus, encombrée de ses courses, elle avait laissé derrière elle le parapluie - cela va si vite, n'est-ce pas, et on a toujours peur d'être bousculée, de ne pas monter, de trébucher, de ne pas retrouver son ticket, d'on ne sait quoi encore.
Le parapluie était resté là tout seul.
Et elle... elle... il lui avait été si difficile de rentrer sans lui. Le chemin avait été bien dur et le cabas bien lourd, jusqu'à sa porte.
Je me suis approchée. J'ai vu le mot, sur la patte de fixation : SOS...
Les choses, voyez-vous, qui vivent près de nous, souvent parlent pour nous.