Scotch
- Projet "scotch" - Canal Saint-Félix - Nantes -
"Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots" (Arthur Rimbaud, Le Bateau ivre)
C'est un drôle de projet imaginé par la Compagnie des Maladroits qui depuis bientôt un an "scotche" la ville - et le regard étonné des passants : pour ce mois de juin, les tristes bornes d'amarrage dépeintes et taguées qui jalonnent les quais du canal Saint-Félix ont été enrobées de mousse, sculptées de bout de ficelles, puis emmaillotées bien serré dans les bandelettes de ce large adhésif brun carton qu'on emploie d'habitude pour les emballages.
Et voilà que, sur les quais où l'herbe pousse plus dru et plus fleurie, des bonshommes en short bariolé, au torse nu comme le soleil et bronzé comme du papier kraft, nous font signe, nous hèlent et nous appellent à l'assaut des péniches.
Suivant ces sémaphores tranquilles, de canal en estuaire, nous descendrons les Fleuves en bateaux ivres, pour gagner le Grand large, sans autre paquet, sans autre bagage que nous-mêmes. Légers comme des bouchons à danser sur les flots, nous partirons.
- Pour tout changer, pour métamorphoser le monde, pour s'en aller plus loin et gagner le Grand large des rêves, que nous faut-il ?
- Presque rien, voyez-vous, c'est si simple.
Prenez une paire de ciseaux, quelques grammes de mousse, trois bouts de ficelle, et un large rouleau d'adhésif à kraft - ou tout autre matériau de la vie quotidienne, les ingrédients étant ici de bien faible importance.
Pétrissez, ficelez, et roulez dans l'immense désir de partir, d'oublier les bornes et les attaches.
Ajoutez-y l'obstination du scotch qui adhère si fortement à ce qu'il enserre - ou tout autre désir têtu qu'il vous plaira.
Recouvrez de la sainte inhabileté des doigts des Maladroits, qui ne façonnent que des formes précaires et imparfaites.
Laissez reposer sous le ciel, près des reflets, des oiseaux, des nuages.
L'oeuvre une fois terminée, posez sur elle votre regard d'avant. Celui qui faisait surgir les signaux, les silhouettes amies, et les chemins si bleus de l'autre vie.
Restez là un moment, laissez venir l'enfant que vous avez été.