Rue d'Orléans le 9 décembre
Rue d'Orléans, hier soir, il faisait sombre, il faisait froid.
L'un portait un escabeau taché de peinture et de plâtre, l'autre, chaussé de bottes épaisses, portait des sacs bien lourds qui le faisaient tenir voûté. Ils écoutaient, immobiles, avec une extrême attention, le jeune homme emporté dans une chanson passionnée que peut-être ils lui avaient spécialement demandée.
Deux ouvriers fatigués revenant du travail, écoutant en seigneurs le musicien qui jouait pour eux seuls.
Un étudiant venu le soir en vélo récolter quelque argent, avant de regagner sa chambre, heureux d'avoir trouvé un public, et qui voyait sur cet humble trottoir la scène illuminée de ses rêves exaltés.
On était presque à Noël. Et ces trois hommes réunis par la pauvreté et par la musique, pour quelques minutes de luxe et de joie, c'était, dans la rue glacée de décembre, comme un miracle paisible.