Romans de Toussaint

Publié le par Carole

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Cimetière de Blois
 
Souvent, à la Toussaint, en visitant ses propres morts, on visite un peu aussi, dans le vieux cimetière, en voisins, les inconnus des tombes anciennes qui s'écroulent.
On déchiffre les noms, on observe les dates à demi effacées, on compatit, on sourit ou on s'interroge, comme si on lisait un récit presque éteint venu d'un autre siècle. En peu de mots se tracent des existences que le présent livrait au hasard, mais que la mort a changées en destins - ou en romans, puisque tout roman est un destin posé sur le hasard des vies.
Thérèse... André... une jeune mère, un enfant emporté peu après... c'était en ces années où sévissait la tuberculose. On tourne lentement les pages de l'histoire sanglotante de ces jeunes vies souffrantes, de la douleur du veuf laissé tout seul...
Et là, ce chevalier qui a laissé son heaume, résolument tourné vers l'ouest, sous cet étrange bateau de granit retourné, quelle aventure a-t-il voulu commémorer ? Quel destin de conquistador ou de don Quichotte ? Hélas, la visière du grand homme ne s'ouvre plus que sur la pierre...
 
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On marche, on lit, on se raconte ces existences inconnues. On leur tend au passage un brin de cette éternité fragile qui ne dure que le temps du récit. Peut-être nous en sont-ils reconnaissants malgré tout, les pauvres morts bien oubliés ?
 
Les vieux cimetières sont des romans aux centaines de tomes-tombes, récits fanés-rouillés-brisés de tant de vies perdues. 
Page à page le temps les feuillette, les ternit, les recouvre, et bientôt les efface - comme tous les romans.

 

Publié dans Blois

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C
Ce heaume déposé, oublié, nous dit la fin des temps chevaleresques.
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M
Comme c'est vrai, ces cimetières sont des bibliothèques, on peut y passer des heures entre les allées sans s'ennuyer et plutôt agréablement!
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C
J'aime aussi les romans de Toussaint Jean-Philippe, qui est un auteur bien vivant.
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C
<br /> <br /> Et j'aime bien aussi Toussaint-Louverture... Il y en a, des "Toussaint" en ce monde.<br /> <br /> <br /> <br />
N
Les cimetières récents n'ont plus ce charme. Je regrette que les tombes à présent, en granit poli inaltérable, ne laissent plus passer le temps. Elles semblent immortelles. Et, paradoxe pour<br /> honorer les morts, sans vie.
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C
<br /> <br /> Ce qui a changé, aussi et surtout, c'est le caractère limité des concessions. Ces cimetières nouveaux ne deviendront jamais de "vieux cimetières".<br /> <br /> <br /> <br />
F
j'aime me promener dans les cimetières et voir tout ce qui est inscrit sur les tombes et auparavant on voyait de quoi étaient décédés les anciens
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Z
c'est une autre ambiance...
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Q
Que te dire sinon que j'aime ta façon de nous raconter ces vies que le cimetière garde encore, pour ceux qui comme toi savent encore les imaginer ?<br /> <br /> Merci, Carole.<br /> Passe une douce journée.
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M
Si la balade du cimetière est toujours un peu triste, elle est aussi passionnante car elle propose aux promeneurs des histoires de vies, des histoires de morts qui s'entremêlent, se décryptent<br /> comme des romans, en effet, en laissant à chacun la liberté de l'imagination pour combler les vides.
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M
Quand je vais à Paris, le but d'une de mes promenades est souvent le cimetière Montparnasse : Baudelaire, Beckett, Sartre, Simone de Beauvoir, Gainsbourg, le fils d'une de mes amies mort à 18 ans,<br /> etc... Des hommages sont déposés sur les tombes. Celle de Beckett est comme par hasard une des plus dépouillées. Il y a aussi des tombeaux étonnants par leur architecture, les symboles déployés et<br /> souvent, nous ignorons le nom de celui qui gît en-dessous avec tant d'éclat en surface.... Mais naturellement, ce n'est pas nous qui décidons du style de notre tombeau.
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J
Avec ton regard profond, tu sais faire revivre tous ces gens, tous ces instants.Il n'y a donc pas de roman éternel ! Amitiés. Joëlle
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A
Il est extraordinaire ce cimetière que tu nous fais ainsi visiter ! Oui cette tombe du début est vraiment bouleversante, avec ce nom fané qui nous évoque un terme de rejet du moyen âge (Villain =<br /> paysan) aujourd'hui resté bien péjoratif et plus du tout utilisé en nom de famille, alors qu'il signifie clairement : "de la ville"... Et cette petite jeune femme qui aujourd'hui serait à peine<br /> étudiante et semble être morte en couches ... Mais non, comme tu le dis, si le bébé avait un an, c'est que ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Et un bébé prénommé "André", c'est cela qui nous amuse<br /> le plus, nous qui ne voyons d'André qu'ayant passé soixante-dix ans ! Quant au casque, il est vraiment pittoresque et inattendu.
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C
<br /> <br /> Je crois que le nom de famille "Villain" reste répandu. Peut-être y a-t-il des variations selon les régions, mais il se rencontre couramment en Loir-et-Cher. Et l'ancienne "villa" se retrouve<br /> encore dans bien des noms de lieux aussi.<br /> <br /> <br /> Cette jeune morte et ce bébé sont tragiques et si discrets dans leur vieille tombe modeste.<br /> <br /> <br /> Quant au casque, il est visible de loin, et je m'interroge chaque année. Mais la pierre tombale est devenue entièrement illisible, si bien qu'il ne reste qu'à imaginer... toutes sortes de romans<br /> !<br /> <br /> <br /> <br />
M
Jolie manière de garder une porte ouverte à ceux qui ne sont plus les souvenirs de personne ...
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A
Je suis toujours fascinée par ces très anciens cimetières où l'on voit de véritables monuments que les gens ont fait édifier à leur propre mémoire, parfois en se privant toute une vie. Ultime et<br /> dérisoire orgueil des pauvres humains défiant le temps.
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M
Se promener entre les tombes lire l'espace de temps qui fut le leur, est un moment de réflexion que j'aime... fait réfléchir à ce que nous sommes.... de passage!
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L
Oui, des romans, précisément. J'aime aussi flâner parmi ces tombes inconnues, imaginer...Mais surtout pas à la Toussaint, car alors il est triste de voir ces pierres nues...
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J
Il est de ce tombes anciennes, "monumentales" parfois qu'on peut voir qu'importe le nom du cimetière, Père Lachaise ou non... comment ne pas les voir et avoir pour eux une pensée, et des questions<br /> aussi... merci Carole !
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