Remontée de racines
Nantes - Jardin des Plantes
C'est ce qu'on appelle un arbre remarquable, ce virgilier du Jardin, avec son profil d'antique boursouflé dans le bronze de son bois, et ses grands bras ouverts en forme d'oiseau-lyre. C'est même un arbre extraordinaire, puisqu'un panneau nous avertit qu'il est, lui si vieux, si fatigué, si près de s'effondrer, "colonisé par ses propres racines" qui le soutiennent en remontant dans son tronc creux. Un arbre fabuleux.
J'aime beaucoup ces histoires d'arbres que racontent au Jardin tant de petits écriteaux plantés dans l'herbe comme des pages ouvertes. Ce sont toujours un peu des histoires d'hommes. Sans doute ne savons-nous parler de la nature qu'avec des mots humains. Sans doute aussi la nature nous est-elle en effet un grand livre de fables, où s'écrit dans l'écorce de vie notre simple histoire de vivants.
Ainsi ce virgilier taillé dans la lyre du poète, il nous ressemble, vraiment.
Nous sommes à son image, tous autant que nous sommes.
Arbres creux, qui ne tenons debout que d'être soutenus par nos vieilles racines. Fatigués de les porter au cou comme de lourds serpents remontés d'outre-terre, à demi étranglés sous leur afflux d'âcre sève et de noire pourriture, mais incapables sans elles de continuer, de poursuivre plus haut.
Virgiliers colonisés par nos propres racines plantées en nous comme des os vivants, en tuteurs invisibles, pour nous donner d'un même élan, étouffantes, vivifiantes, l'enfance et la vieillesse,
tout l'immense avenir du passé.